Rageur, indomptable et culotté, «La femme flic» comporte l’essence du cinéma d’Yves Boisset. S’attaquant à un sujet plus que sensible, les réseaux pédophiles et l’économie qu’ils génèrent, le cinéaste signe un film politique bruyant qui pointe du doigt ce qu’il est habituellement bon de travestir. Que ce soit des flics muselés par une hiérarchie qui préserve ses intérêts en s’accoquinant avec de riches industriels qui, sous couvert de faire fonctionner l’économie locale, se permettent le pire, ou des grands pontes prêts à fermer les yeux pour ignorer l’inacceptable, le film de Boisset n’épargne personne.


Comme à son habitude, il fait porter la lampe torche qui met en lumière cette affaire sordide à un personnage de fort tempérament. Miou Miou signe une performance marquante, toute en retenue, oscillant avec naturel entre une détermination à toute épreuve et une fragilité lancinante qui lui sied à merveille. Jeune inspectrice encore idéaliste, elle se fait violemment remuer par toutes les pistes graveleuses qu’elle déniche, contrairement à ses collègues impassibles, des hommes blasés à qui on ne la fait plus. Le pessimisme du film de Boisset s’exprime, entre autre, à travers le destin de ce personnage encore préservé : plutôt qu’accepter cette police qui courbe le dos, ce dernier préférera s’en détourner malgré sa vocation, le message est aussi limpide qu’il est empli de désespoir.


Dommage qu’autour de la féroce Miou Miou se contentent de gesticuler quelques comédiens plus qu’approximatifs. A l’image de son collègue métisse qui débite ses lignes de dialogue comme un robot, ou de certains témoins allumés qui se croient sur les planches d’une scène de théâtre, «La femme flic» aurait mérité un peu plus de finition, un peu plus de poigne en tout cas dans sa direction d’acteurs. En l’état, si cette bobine force l’intérêt par son sujet très osé, il est difficile de lui trouver autre intérêt que son côté polémique. Pour ne rien arranger, Boisset manque un peu d’idées pour mettre en scène les séquences clés de son histoire : pas grand-chose de mémorable, à part quelques gros plans bien malsains sur des revues dégueulasses.


D’ailleurs le passage fait vraiment bizarre, je ne m’attendais pas à ce que Boisset aille si loin dans l’illustration de sa dénonciation. On ne peut pas lui enlever sa détermination, quand il voulait montrer du doigt quelque chose, il y allait à fond, sans se préoccuper du qu’en dira-t-on. Rien que pour ça, «La femme flic» vaut le détour et mérite un respect sincère.

oso
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le 17 juil. 2015

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