Quantième Art
Que Depardieu fasse un caméo dans ce film est presque sans signification, pourtant son esquisse d'un personnage nationaliste et bilingue (mais français-anglais, pas allemand-français) porte tellement de sens pour une seule image que ça donne le tournis. Et c'est un peu comme ça que fonctionne tout le film.
On est d'abord plongé dans la confusion, conduit à ne pas être sûr de ce qui se passe. Un bon moyen de dégrossir la nature pourtant éminemment plus subtile de l'œuvre. Pour arriver à son but, Handke va nous inonder de raccords (dont on pourrait facilement croire qu'ils sont « faux » s'ils ne répétaient pas souvent leur procédé de micro-saut dans le temps... ou alors le réalisateur était vraiment très inattentif ?). et saturer l'environnement sonore là où c'est notre seul indice pour la compréhension globale.
L'univers qui nous est alors présenté à travers sa caméra est celui d'une vie austère, mal équilibrée, où des inserts à vocation purement graphique (l'arc-en-ciel, la Lune...) sont tout ce qu'on a pour s'accrocher à quelque beauté. Handke n'a plus qu'à laisser les images répondre, mesurant que les mots sont leurs équivalents, tandis qu'il place les uns et les autres au rang de thèmes : langues, traduction... écriture.
À tout cela s'ajoute la force d'un casting qui fait semblant d'avoir vingt ans d'avance, ce qu'on ressent même dans le naturel des enfants. Cela ménage à l'œuvre une grande place pour la métaphore et le figuratif qui passent du coup comme des lettres à la Post. On est laissé avec une indécision grave : est-ce misogyne de présenter la femme comme objet de la volonté masculine ? Est-ce que le déclenchement de sa volonté propre, loin d'infirmer cela, confirme au contraire la théorie pour la rendre plus menaçante encore ? C'est effrayant de voir à quel point Handke manipule l'opinion du spectateur à son insu. Comme quoi l'art a du pouvoir, et qu'il faut s'en méfier.