J'avais vu "Elle s'appelait Scorpion" avant de voir ce premier volet de la série Sasori, ce qui peut expliquer dans une certaine mesure au moins ma circonspection face à une histoire que j'avais trouvée plus nébuleuse que délirante dans ses accès de gore. Le tir est un peu corrigé à l'occasion de "La Femme scorpion", dans lequel Meiko Kaji dans le rôle-titre et Shun’ya Itō à la réalisation inaugurent le mythe de Nami Matsushima à la faveur d'un film appartenant au sous-genre très bis et exploitation du WIP (women in prison). Si cet objet condensant violence et érotisme dans une drôle de mixture n'est pas exempt de longueurs (il y a un moment où on a l'impression de voir les femmes prisonnières creuser pendant mille ans, c'est un peu pénible), c'est une production qui illustre très bien la cinéphilie de la marge japonaise, un cinéma d'exploitation barré qui tache.
Le baroquisme de la mise en scène est partout, tout à tour incroyable (quand ça fonctionne) et tape-à-l'œil (quand ça fait un flop), avec des décadrages réguliers qui brisent les repères avec force (ce plan avec l'actrice échouée au sol au premier plan et le maton en haut à droite au niveau de la porte, quelle photogénicité), des flashbacks grandiloquents qui font leur effet à coups de ralentis, des jeux de lumières qui ne dépareilleraient pas chez Argento... C'est un festival d'expérimentations bis pour donner corps à cette histoire de vengeance chez une femme qui a subi (et subira) de très nombreuses humiliations. C'est dans ce film que je reconnais peut-être la plus grande source d'inspiration chez Tarantino, plus que dans toutes les œuvres avec Meiko Kaji. Bon à titre personnel je n'irai pas jusqu'à le qualifier d'émanation féministe étant donné le degré d'exploitation du corps féminin (cinéma d'exploitation oblige), mais il est quand même tentant de dresser une filiation avec une veine anarcho-féministe qui explose littéralement à l'intérieur de ce pénitencier rempli de gardiens psychopathes et pervers.
C'est du cinéma dans lequel un sein apparaît aussi soudainement dans le champ qu'une lame de rasoir, les corps sont autant dénudés que lacérés de coups de couteau. Le rythme est probablement la zone la plus hétérogène, avec des séquences complètement disjonctées qui vont à cent à l'heure et d'autres un peu mollassonnes (on creuse beaucoup dans la seconde partie de l'intrigue). Mais bon, avec Meiko Kaji dans la bande sonore et un tel niveau de perversion, on peut surmonter tous ces obstacles.