Il se dit que Renoir a eu du mal à s'inscrire dans l'industrie hollywoodienne, et que ce film en particulier aurait subi des coupes et un remontage. C'est tout à fait possible, car en effet, il y a un sentiment d'inachevé à la fin de ce visionnage très court.
L'histoire, elle est noire au possible, le tout renforcé par une sobriété de tous les instants. Dès lors on peut facilement imaginer qu'une telle fin n'était pas voulue par le réalisateur, ou du moins pas amenée aussi rapidement. Restent, quand même, une ambiance, un peu de brouillard et d'onirisme, et un face-à-face tendu entre deux hommes, et une femme (Joan Bennett) au milieu, bien sûr. On n'est pas devant un chef-d'œuvre, certes, et on comprend que ce film ait été boudé par les spectateurs américains de l'époque, habitués en ces années à un cinéma plus emphatique. Mais à une époque où le dépouillement est mieux accueilli, le film a plutôt bien vieilli, en fait. Reste que c'est sans doute l'ébauche d'un meilleur film, qui n'aura pas eu la chance de voir le jour. Ce peintre aveugle, dont on est amené à se demander s'il l'est réellement, c'est un personnage quand même assez renoirien pour s'apercevoir qu'il y avait une volonté du réalisateur derrière cet essai, et que ce n'était pas "seulement" pour honorer son contrat.
Quoiqu'il en soit, l'expérience américaine de Renoir n'aura pas été heureuse.