Suite à la critique de ce film sur SC (par un de mes éclaireurs) qui m'avait fortement intrigué, j'ai recherché et trouvé le DVD publié chez Gaumont. Je n'ai pas été déçu.
Un scénario qui met en scène des cathares ou des pratiquants de cette religion de nos jours ne pouvait que m'intriguer. Il fut un temps, maintenant assez lointain, où je m'étais intéressé à ces gens qui avaient fait l'objet d'une croisade pour les anéantir ; à cette époque, à l'occasion de vacances en Ariège, j'avais fait le tour des citadelles cathares (Monségur, Queribus, Puilaurens ...) pour finir à Carcassonne. Mais c'est le fond de leur croyance qui était assez singulier car partant d'un constat de la pourriture et de l'abjection régnant sur Terre, les cathares considéraient en somme que la Terre était aux mains de Satan et que Dieu y était inaccessible. Pour faire simple, il fallait donc se détacher au moins spirituellement pour tenter de l'approcher. Il y avait dans la croyance un refus de la sexualité, de la propriété privée, des sacrements de l'Eglise considérée comme dévoyée, etc etc. D'une certaine façon, c'était une croyance assez mortifère et assez confidentielle. Qui voulait revenir à l'essence même du christianisme mais qui en fait me semblait à terme auto destructrice.
Là dans le film, bien entendu on ne rentre pas dans tous ces détails mais le personnage de Toulzac, ancien instituteur à Montségur (!), qui se dit le dernier évêque albigeois, tente de ressusciter la vieille croyance et il y a un certain nombre de réflexions, ici et là dans le film, qui y ramènent. Pour ce faire, il s'appuie sur sa fille adoptive, Sylvie, rejetée par la société et considérée comme sorcière car les hommes qu'elle a voulu aimer sont morts accidentellement. Seul, Toulzac la recueillit pensant que ses supposés pouvoirs pourraient bien être le moyen qui pourrait lui permettre d'atteindre le Saint Graal et relancer la croyance... à condition qu'elle ne tombe pas amoureuse d'un homme, ce qui romprait le charme.
Deux aspects donc dans le film :
Un premier aspect fantastique avec les allusions au catharisme, la recherche du sanctuaire qui contiendrait le Graal, les pouvoirs de Sylvie. L'action se passant à Carcassonne dont les remparts comportent leur part de mystère, est complètement imprégnée de cette atmosphère fantastique.
Un deuxième aspect onirique voire carrément surréaliste entre le compositeur, Roland, qui veut retrouver l'inspiration et créer une musique issue du cœur, et Sylvie, qui cherche désespérément à vivre et à s'échapper de l'emprise mortifère de Toulzac.
C'est un poète Fontvieille, joué par l'inimitable Charpin, qui va faire le lien entre les deux aspects fantastique et onirique, entre tous ces personnages, Toulzac, Roland et Sylvie en révélant une part des mystères cachés derrière les vieilles pierres de Carcassonne. Raillant la croyance cathare, il la résumera par un "chez eux, faire des enfants, c'est travailler pour le diable"
J'ai trouvé la mise en scène très bonne surtout lorsqu'elle s'appuie sur la citadelle impressionnante de Carcassonne. De même, certaines scènes sont très réussies comme le retour de Sylvie chez son père adoptif alors que la caméra fait apparaître lentement Sylvie en arrière-plan derrière Toulzac. Les scènes oniriques autour de "la fête à Tournebelle" ou sur les remparts entre Sylvie et Roland sont d'une exquise et attirante beauté.
Du casting je retiens surtout le personnage de Toulzac joué par Edouard Delmont (qui a beaucoup joué pour Pagnol (c'est le père Gaubert dans "Regain" par exemple !), le personnage très beau et si positif de Sylvie, poursuivie par le Destin, joué par Jany Holt.
On ne voit pas beaucoup Simone Valère dans le rôle un peu effacé de l'épouse de Roland.
Quant au personnage de Roland, il est joué sans génie par Pierre Richard-Wilm qui fut un bon Edmond Dantes dans la version de Robert Vernay.
Au final, "la Fiancée des ténèbres" est un film profond par ses allusions historiques et par le caractère onirique qui n'est pas sans rappeler Cocteau.
J'ai bien aimé me plonger dans cette histoire et je ne cache pas que le personnage se Sylvie est très fascinant.
Je le reverrai et il n'est pas impossible que je retouche cette critique à cette occasion.