A l'échelle d'une île dont la capitale est El Pao, Bunuel décrit le mécanisme des dictatures, en l'occurence de type sud-américain. De fait, le sujet prend vite les accents d'une satire anti-bourgeoise tant il apparait que la dictature relève -en même temps qu'elle les conditionne- de la corruption et des turpitudes, y compris sexuelles, de la bourgeoisie, toujours alliée aux militaires.
Bunuel en fait l'illustration avec une ironie grave dans un film politique où les personnages font figures de symboles. Son intrigue est très simple, dépouillée, et ne cherche pas à être spectaculaire. Bunuel se place sur un plan humain à travers les portraits des quelques protagonistes du drame.
Mieux qu'une exposition politique théorique, les actes et la nature des personnages expriment les fondements du totalitarisme, lequel se perpétue au gré (et malgré) des trahisons, des luttes d'influence et des mesquineries. Le cinéaste suggère la paranoïa du pouvoir et évoque, à travers le cas de Ramon Vasquez (Gérard Philipe), la lâche soumission, la démission, de ceux qui pourtant incarnent la conscience démocratique.
Jusqu'à quand Vasquez, devenu gouverneur malgré ses idées pourra-t-il refuser de faire un choix, luttera-t-il contre sa conscience? C'est, au coeur du récit, une intrigue supplémentaire, de nature psychologique, très pertinente.