Par le décès de Gérard Philippe, deux semaines avant sa sortie, « La fièvre Monte à El Pao » connut un succès inattendu et sans doute usurpé. De nos jours il est considéré comme un des plus mauvais film à la fois de la star et du réalisateur Luis Buñuel. C’est un peu injuste. Entre Maria Félix torride mais ambiguë et Jean Servais archè type de l’ordure perverse, Gérard Philippe semble par instant détaché et presque transparent, alors qu’il partageait pleinement les idées du scénario quant au fond. Amaigri (la maladie ?) et alternatif dans sa conviction d’interprète (brusque et peu convainquant dans les têtes à tête) il est paradoxalement un des points faibles du film, dans un rôle qui semble ainsi peu fait pour lui. L’autre est une absence d’intensité, comme si le cinéaste avait oublié son engagement au profit d’une photographie de toute beauté de Gabriel Figueroa. Avec des décors somptueux et un nombre de figurant important, encadrant un casting prestigieux, Luis Buñuel a bénéficié de moyens inhabituellement conséquents. Peut être l’ont ils freiné. Tant et si bien que ce film, par moment trop distant, est en partie raté, se résument essentiellement à l’histoire d’une passion. Comme si le cinéaste avait bridé un scénario ambitieux (trop ?).