Je n'étais pas à priori très intéressé par le film La fille au Bracelet n'étant pas de prime abord immédiatement séduit par ce type de cinéma un peu froid, très ancré voir effacé dans le réel et très littéraire dans une forme privilégiant l'écriture et le mot bien plus que la mise en images . Curieux de nature et ouvert à toutes les bonnes surprises possible j'ai finalement regarder La Fille au Bracelet et je ne le regrette pas.
La Fille au Bracelet c'est l'histoire de Lise une adolescente de 18 ans en liberté surveillée car suspectée d'avoir assassiner sa meilleure amie deux ans auparavant. Nous allons suivre son procès en cours d'assise et les répercutions sur sa vie familiale avec les soutiens aimant de ses parents.
Si j'ai tant aimé La Fille au Bracelet c'est que le film nous place presque dans cette position fort inconfortable d'un juré de procès d'assise devant se prononcer sur une affaire particulièrement trouble et ambigüe. Même si le film nous entraîne souvent hors du prétoire et hors des débats des différents partis en nous plongeant également dans la sphère familiale de Lise, le film de Stéphane Demoustier n'apporte jamais la moindre réponse en construisant une spirale de doutes et d'interrogations qui vont crescendo ne cessant de bousculer le peu de certitudes du spectateur. Si le procès au cœur du film trouvera son verdict final plus d'un spectateur restera certainement avec le poids du doute chevillé à l'esprit comme un lourd boulet . Toute la puissance du film de Stéphane Demoustier réside dans cette capacité à mettre le spectateur dans cette position de doute , d'interrogations et de quête d'une vérité impalpable qui ne pourras se faire que sur une intime mais bancal conviction et jamais sur des faits tangibles et indiscutables. La découverte de nouveaux éléments, l'interrogation de nouveaux témoins ne va jamais clarifier les choses mais tout au contraire nous perdre chaque fois un peu plus. Pour le coup la mise en scène assez froide et distancé de Stéphane Demoustier me semble être la forme la plus en adéquation pour nous faire épouser ce point de vue de témoin en retrait devant juger sans implication émotionnelle.
Il fallait au film des personnages à la fois forts, troubles et crédibles pour que jamais le spectateur ne puisse les perdre de manière affective ni faire preuve d'une empathie inconditionnelle. Le casting est juste parfait et l'écriture des personnages parfaitement dosée pour nous faire osciller entre l'affect et la raison, l'approbation et le recul, l'adhésion et le rejet. Pour son tout premier film la jeune comédienne Melissa Guers est impeccable dans le rôle de Lise, elle incarne une jeune fille tout en contradiction dont les silences et les marques de détachements et d'indifférence face aux événements plonge le spectateur dans l'expectative entre une jeune fille perdue face à la machine judiciaire et une coupable mise en face de ses nombreuses contradictions. Par le biais du personnage de Lise se dessine aussi le portrait d'une génération désabusée presque détachée face au sexe, à la mort, aux responsabilités et aux institutions. Jamais Stéphane Demoustier ne fera de son personnage un pivot dramatique propre à provoquer l'émotion, jamais il ne cherchera à rendre cette fille douce ou agréable , jamais il n'en fera un coupable à blâmer ni une victime à soutenir. Roschdy Zem est lui aussi parfait de charisme et de retenu dans le rôle de ce père aimant et soutien indéfectible de sa fille quand bien même le doute le tiraille lui aussi et l'incompréhension devant la froide résistance émotionnelle de sa fille le préoccupe. Un personnage encore une fois difficile à cerner tant son amour et sa dévotion à trouver SA vérité pouvant innocenter sa fille pourra sembler parfois incompatible avec la notion de justice. On retrouve également dans le film Anaïs Demoustier dans le rôle de l'avocat général, un rôle bien loin de sa douceur enfantine habituelle mais dont la comédienne s'empare avec conviction pour un personnage pugnace, déterminé et parfois même agressif dans ses interrogatoires harcelant l'accusée en quête de réponses. Un petit mot également pour saluer la performance de Annie Mercier dans le rôle de l'avocate de Lise dont la voix rocailleuse d'une vie de prétoire semble imposé le silence à chaque prise de paroles.
La Fille au Bracelet est un film qui interroge bien plus qu'il ne donne de réponses et quasiment toutes les scènes du film pourront se lire de deux manières bien différentes selon votre intime conviction concernant la culpabilité ou non de cette jeune fille. Lise est elle manipulatrice ou sincère lors des rares instants ou elle brise sa carapace ? Le témoignage de son jeune frère est il véridique ou totalement inventé par la famille ? L'avocate générale est elle pugnace en quête de justice ou agressive en quête d'un coupable ? Ce père de famille est il intimement convaincu de l'innocence de sa fille ou souhaite t-il simplement la protéger par amour ?
Personnellement j'ai adoré me triturer le cerveau à la quête de réponses et ne rester au bout du compte qu'en proie au doute et écrasé par le poids des responsabilités de celles et ceux qui doivent faire faire justice. D'ailleurs ce serait amusant qu'en terminant sa critique chacun de nous dise si il considère au final Lise comme coupable ou innocente, pour ma part je retourne y réfléchir deux trois ans et je reviendrai apposer à cette critique mon jugement final.