Voir un film en qualité VHS, avec un léger grésillement continu, c'est pas rien. Tu te sens apprenti archéologue. Alors quand il s'agit d'un porno 70's expérimental mâtiné de fantastique et tourné à La Grande Motte, l'aventure t'emmène au-delà du réel.
Ca tombe bien, Shining Sex ne parle que de ça : de l'Au-delà, de l'après, provenance et destination du vide laissé par notre départ. Strip-teaseuse d'un salon privé, Cynthia y croise un couple quasi mutique. Les suivant jusque chez eux, ils l'entravent et enduisent sa vulve d'une substance qui provoquera la mort de ses futurs partenaires...
Forcément, avec ses artefacts de compression à la pelle, ses couleurs douteuses et sa définition tout sauf définie, la séance coupe court au jugement esthétique rigoureux. Restent les cadres et les dialogues, inattendus, passant de l'abstrait au démonstratif, du soporifique à l'étrange. De coïts en gros plan voulus tout sauf excitants, ils accèdent à des parenthèses sensuelles et inquiètes.
Trop long malgré sa courte durée, Shining Sex se répète mais exerce une douce fascination parcourue de quelques images magnifiques, tel ce double plan de clôture dont la lumière n'est qu'un autre cadeau aux ténèbres. Un film libre en somme, le coeur entre les cuisses, les yeux dans le vague et la chair triste, alanguie. Ignorant le ridicule, Shining Sex perd également en rythme ce qu'il gagne en charme.
Lina Romay, la comédienne principale, est morte d'un cancer en 2012. Elle était la compagne du réalisateur, le prolifique Jess Franco, ici planqué sous un pseudonyme au générique. Décédé un an après, il a sans doute rejoint sa muse dans l'une de ces brèches irréelles dont Shining Sex donne un aperçu, faites d'orgasmes sourds, de béton et d'errance.