La Fille coupée en deux par Fritz Langueur
Chabrol aime griffer de sa patte ironique et goguenarde la bourgeoisie provinciale, genre dans lequel il excelle avec plus ou moins de bonheur depuis presque quarante ans. Décrire de sombres drames, ou faux semblants et cynisme servent à merveille le jeu de dupes. Le plus remarquable est que sa vision évolue en même temps que les mœurs et ses films se renouvellent par là même. A l’image du petite dernier où le réalisateur choisit cette fois-ci, d’évoquer le destin de Gabrielle Deneige, jeune fille branchée dont la candeur rafraîchissante n’a d’égal que son ambition. Elle va croiser deux hommes diamétralement opposés (âge, comportement, échelle sociale) et tomber avec eux dans un panier de crabes aussi féroces qu’avariés. Comme toujours chez Chabrol, les bons mots fusent et amusent. Ils agacent aussi surtout sur la première partie la moins bonne (avec la fin), surjouée (Berléand/May) et un peu trop passéiste sur la description des mentalités pour vraiment y croire. Mais heureusement, le duo Sagnier / Magimel opère, et ils effacent de leurs prestation ces imperfections. Sagnier qui n’a jamais été aussi radieuse, elle touche par une provocante innocence. Magimel compose ici un extraordinaire fils de famille totalement névrosé. Si « La fille coupée en deux » n’est pas un très grand Chabrol (jovial, incisif, subversif) il n’en demeure pas moins l’un des meilleurs de ces dernières années.