Voilà un film qui a plutôt mauvaise réputation, et sa durée de plus de trois heures ne donne pas nécessairement envie d'aller se faire son propre avis. Et pourtant...
Nous sommes accueillis par des plans somptueux sur les magnifiques paysages irlandais. Robert Mitchum est admirable en instituteur de village, discrètement rebelle (écoutant Beethoven interdit par les anglais), mais n'en faisant guère étalage, ce qui lui vaudra le mépris des habitants. Décidément, Robert Mitchum investit tellement ses rôles qu'un Mitchum à contre-emploi, ça n'existe pas! Il sait dès le début que Sarah Miles n'est pas pour lui, mais il l'aime, et donc quand elle se propose d'elle-même, il accepte. Très vite, le mariage les montrera peu assortis, la jeune Sarah Miles étant trop bouillante pour accepter la placidité de son mari.
Sarah Miles trouvera un exutoire à travers un jeune officier anglais traumatisé par son expérience de la guerre mondiale. Seulement voilà, tout finit par se savoir, dans un village et l'anglais, c'est l'ennemi, l'occupant. La jeune fille se retrouve en butte au mépris général.
Film à grand spectacle de David Lean, son échec sonne injustement, car ce film est beau, aussi bien visuellement que dans sa narration ample, avec ses scènes qui prennent le temps de se poser. La première humiliation du personnage de Michael, estropié et simplet en butte aux plaisanteries malveillantes de la population, est ainsi une scène d'une grande force. La simplicité, vers la fin, d'un simple regard de Sarah Miles pour son père, suffit à exprimer beaucoup, en une circonstance qui constitue l'acmé du récit, et dont nous ne dirons donc rien de plus. David Lean a maintenant une grande expérience de la grosse production et sait parfaitement conjuguer l'épique et l'intime. La fille de Ryan est de ce fait un film parfaitement romantique. Peut-être, dans les années soixante-dix, ce romantisme et son classicisme lui ont-il interdit de trouver le chemin du succès. Et pourtant, c'était très beau.