Après "les piliers de la société", une nouvelle découverte à travers "la fille des marais", film de Detlef Sierck alias Douglas Sirk, datant également de 1935.
Et quelle découverte ! Le scénario est basé sur un roman de Selma Lagerlöf, auteur suédoise du début du XXème que je ne connais pas du tout, même pas de nom. D'ailleurs, je compte bien tenter de trouver quelque chose de cette gente dame.
Là, c'est le vrai mélodrame … On n'est vraiment pas loin du Sirk que j'aime …
D'abord, l'histoire qui décrit, au fin fond de la campagne du nord de l'Allemagne, entre Breme et Hambourg, un triangle amoureux entre un jeune fermier pauvre, Karsten, une jeune femme, Gertrud, fille de gros fermiers et une jeune servante, Helga. Ah, zut, j'ai presque divulgué la trame de l'histoire !
Surtout si je rajoute qu'Helga, maintenant servante chez Karsten, avait été abusée par un précédent employeur et a un enfant non reconnu. Si, en plus, je dis que Gertrud, belle et très amoureuse avec une tendance dominatrice, je suis en plein "spoilage". Honte à moi !
Mais ce n'est rien, ça, à côté de l'ambiance générale du film qui me fait penser à certains autres films de cette époque, par exemple Renoir, …
Le film se déroule dans la campagne profonde dans une atmosphère très austère, luthérienne, où les superstitions accompagnent les coutumes ancestrales auxquelles il ne faut pas déroger sous peine de malheur.
Par exemple, j'ai vraiment aimé l'intrigante scène où Helga recueille un peu de cendre du foyer de ses parents pour la répandre sur le foyer de son nouvel employeur, Karsten, pour lui porter chance ou stabilité dans son nouvel emploi.
La mise en scène, certes modeste à côté de ce que Hollywood fera faire plus tard à Sirk, est pleine de bonnes idées. Le film est principalement tourné en extérieurs permettant au spectateur de se plonger dans cette vie laborieuse, paisible et rurale. Des blés, que les vents font onduler, on passe à la moisson avec les meules de paille symboliques. Ou encore l'image, devenue un classique mais que j'aime toujours trouver, d'un caillou qui tombe à l'eau brouillant l'image et permettant une transition vers une nouvelle scène.
Et cette ambiance paisible, ces eaux si calmes cachent, bien entendu des drames qui ne demandent qu'à surgir. Et Sirk, pardon Sierck, ménage, en bon professionnel qu'il est déjà, un petit suspense sur la façon dont le triangle amoureux va se dénouer. Bien entendu, il y a un petit côté prévisible mais quelques ellipses bienvenues nous font craindre le pire. Un mélodrame, quoi !
Un autre point fréquent chez Sirk, c'est l'utilisation du second rôle pour distiller des idées, pour ramener à la raison un personnage et même parfois ouvrir une fausse piste. Personnage essentiel dans certains films comme le professeur Pohlman dans "Le temps d'aimer et le temps de mourir". Ici c'est Jens, un vieil ouvrier agricole, ami de la famille de Karsten, mécréant, qui observe et croise parfois le chemin de Karsten. Mine de rien, il veille sur Helga, la fille qui a fauté aux yeux bien-pensants de la petite société locale.
Par la modestie des moyens mis en œuvre et par les qualités qui annoncent le grand Douglas Sir, "la fille des marais" est un film remarquable