Il est rare que pour un film, quand la traduction en français "trahit" le titre américain, elle soit aussi bonne que l'original, mais ici c’est le cas.
Pourtant, la traduction littérale, « La Voie du Pin Solitaire » aurait été très juste : un pin dans la montagne délimite les territoires de deux familles qui s’entretuent depuis des lustres dans une région reculée du Kentucky, et le titre renvoie, poétiquement, à leur attachement à des traditions isolationnistes.
Mais le titre français, "La Fille du Bois Maudit », renvoie avec encore plus de justesse à l’histoire racontée.
La jeune femme (jouée par Sylvia Sidney), veut échapper à la consanguinité en s’attachant à un ingénieur venu de la ville pour construire le chemin de fer (joué par Fred McMurray) , ce qui va rallumer une vendetta ancienne qui est la malédiction de la région.
Henry Hathaway montre son grand talent de conteur et de metteur en scène, équilibrant dans une narration limpide (avec un des tout premiers films en Technicolor, alors supervisé, évidemment, par l’incomparable Natalie Kalmus) les images, les séquences, les dialogues, ne reculant pas devant des pics de tragédie, ou des descriptions féroces de réactions arriérées, et tout cela sans misérabilisme.
Henry Fonda, tout jeune en 1936, ressemble de manière incroyable à sa fille Jane, et il joue magnifiquement comme s’il était un chat sauvage incarné en humain.
Un des personnages scande régulièrement cette histoire avec des balades nostalgiques dont les paroles sont nourries par les racines et la terre locales, par les légendes et les héritages identitaires de ces familles tourmentées.
Le fond de tristesse de l’histoire, annoncé dès le prologue, n’est jamais contrecarré dans ce mélodrame, sauf de manière fugace.
Dans sa justesse ou sa vérité, c’est peut-être le défaut du film, parce qu’il nous donne le coeur lourd du début à la fin, et cette émotion là restera le souvenir le plus fort qu'on en garde.