Raoul Walsh est un cinéaste que j'affectionne particulièrement sans vraiment en connaitre la raison. Lors de mon inscription sur le site, il fut parmi les premiers réalisateurs que je ne connaissais pas à attiser ma curiosité. Il n'a pas cette touche de génie dans la réalisation ou les situations qui définit certains de ses contemporains (Lang, Ozu, Lubitsch...), mais je suis sensible à un certain charme maîtrisé que dégage chacune de ses oeuvres. Déjà, il aime les femmes et sait les mettre en valeur tout en dévoilant un certain respect à leur égard. Toujours il leur inculque une certaine personnalité : forte (The Tall Men), déterminée (Band of Angels), maligne (White Heat), fidèle (Pursued), éphémère (The Strawberry Blonde) ou encore rebelle dans ce Colorado Territory.
Ensuite, ses personnages, sa trame, ses situations et ses dialogues, qui transpirent la justesse et la simplicité intelligente. Il réfute toute notion de manichéisme, preuve en est de ses héros rarement du « bon » côté, mais auxquels il est dur de ne pas s’attacher. Revenons-en toutefois à Colorado Territory, western sympathique de 1949 qui met en scène Joel McCrea en Wes McQueen, pilleur de banques qui ne tardera pas à s’échapper de prison pour se planquer en plein désert dans une ville fantôme. Au loin, les montagnes du Colorado et ses vastes étendues nous dévoilent toute leur grâce. Ce Colorado Territory a bien des charmes…
En témoigne la ravissante Virginia Mayo, dont la première apparition à l’écran est édifiante. Parvenu dans la « ville fantôme », McQueen s’interpelle de la présence de cette jeune femme blonde désinvolte, assise jambes écartées, se peignant tête baissée. D’un coup, elle lève la tête et fixe l’inconnu de son regard pénétrant. Yeux clairs, robe sauvage, fière et digne, elle fait son effet. Elle est Colorado, femme sans attache et qui cherche refuge vers ces montagnes qui l’ont vue grandir. Que dire alors de la belle Dorothy Malone en brunette sage et éduquée qui aide durement son père à la ferme… Deux femmes que tout oppose, mais une morale qui en découle comme une défiance envers la complexe notion de l’apparence. N’est pas forcément qui parait, n’est-ce pas Raoul ?
Un scénario qui semble tout droit issu du High Sierra de Walsh lui-même d’après les autres critiques mais qui tient bien son rang, une fin attendue mais appréciable sans doute du fait de son inéluctabilité, un manichéisme qui s’abstient comme on peut s’y attendre avec ce cinéaste, et un certain charme qui opère tout du long au travers de la simplicité de jeu notamment de Joel McCrea, très sobre et juste, et d’une ambiance sympathique qui ne cède que peu de place à l’ennui. Colorado Territory est un Walsh respectable dans l’ensemble, imparfait, non dépourvu de manques, mais empli d’un charme qui opère à merveille pour peu qu’on y soit sensible. Dès lors, comment ne pas être conforté dans ma passion de l’œuvre de ce grand bonhomme qu’est Raoul Walsh, notamment grâce à cet amour des femmes dont il ne manque jamais de faire preuve.