Un stade : un barbecue, une équipe locale de rugby, et les femmes, les enfants, qui passent un bon moment. C’est ainsi, sur une musique très populaire, dans le sens musical du terme français (façon musette), que le premier film d’Olivier Loustau débute.


Vital, (joué par le réalisateur), entraineur de l’équipe de rugby locale « Tricot », marié et papa d’une fille d’une dizaine d’années (Fanny, jouée par la roannaise Témoé Nouzille) travaille avec ses potes dans une boite de tricotage roannaise dirigée par Baretti (Patrick descamps.) Dés les premières scènes, Alix, jeune femme assez frêle, qui s’avère être la fille du patron, (Christa Theret), est présentée par l’équipe dirigeante aux ouvriers. Elle est là pour mener une étude ergonomique, et va choisir deux cobayes; dont Vital. C’est le début d’une relation, malheureusement vouée à être dramatique entre eux deux, car cette étude arrive à un tournant de la vie de Vital…


La solidarité comme liant : Le rugby, la moto, les potes, les femmes, la solidarité, le combat social d’ouvriers dans une entreprise en difficulté… sont des éléments simples mais forts qui participent au côté presque docu-fiction de ce premier film.


Un témoignage de métiers quasi disparus... ...une poésie palpable, et un hommage à une ville Pour toutes celles et ceux qui ont vécu la travail en bonneterie, et donc beaucoup de roannais, car leur bassin économique des années 20 à 90 était en grande partie axé sur le tricotage, le fait de voir tourner ces grosses machines,... la peur qu’elles peuvent inspirer lorsque les aiguilles tricotent à toute vitesse.. la relation assez singulière entre chef d’équipe, chef d’atelier, patron… (l’intouchable), les autres postes de l’atelier…amènera évidemment beaucoup d’émotions. Mais cela est sans compter sur les scènes simples, de relation sociale, tournées au sein de la ville et dans ses environs directs; qui provoquent un effet sur tout ceux qui ont connu une ville au charme bucolique certain (on est très proche des collines de la côte roannaise) mais dont les entreprises embauchant des milliers de personnes ont finalement toutes fermées.


Cette ville est filmée entre un mélange de zones un peu vagues, façon road movie : la Villette, quartier de l’ex rotonde de la Sncf, où l’entreprise locale Bel Maille, utilisée pour les besoins du film est située, et d’autres plans plus poétiques : Certains bords de Loire, très peu fréquentés par les roannais, mais dont une grande partie marquée par un passé industriel au XIXe siècle a été remis en valeur, Des boulevards plus récents, utilisés chaque jour, ici passés en moto par notre fine équipe, à la sortie d’une troisième mi-temps bien arrosée. L’école d’un quartier ouvrier… filmée au moins à deux reprises.. comme pour insister sur l’importance de la relation parents-enfants, et l’éducation qui peut ouvrir des perspectives.. Tout cela donne un aspect très Ken Loach à ce premier film. Et on ne s’en plaindra pas.


Olivier Loustau, dont la propre mère est originaire de Roanne, a, comme il dit, « été dirigé par des faisceaux convergeant vers Roanne », puisque sa coproductrice aux côté de Julie Gayet, a aussi de la famille ici, filme la plupart de ses scènes avec le soin du détail « social ». Comme lorsqu’il choisit cette maison au portail en bois bien abîmé, au milieu d’un quartier ouvrier pas si moche que ça, pour bien situer sa propre condition sociale, en plein marasme… Ou lorsque, assis tous deux sur les marches de l’arrière des tribunes du stade Malleval, Alix et lui dévoilent sous eux un escalier en béton hyper dégradé, tel qu’on en verrait presque jamais dans n’importe quel film à moyen budget aujourd’hui.


La musique, pour appuyer le lien social
Filmer la réalité, oui, mais pas sans poésie, et sans support : c’est le rôle de la musique qui est, sinon omniprésente, en tous cas diffusée avec goût et précision, et dans une ambiance presque intemporelle, quoi qu’un peu axée année 80. A part le côté tzigane au départ, composé par Fixi (accordéon), on reconnait les Selecters, avec le tube ska « Too much pressure », bien dans l’esprit, lors de la troisième mi-temps. Un ou deux autres titres rock moins connus parsèment le film, et la bande est sinon composée par Fixi Bossard, qui interprète avec son acolyte Winston Mc Annuf le superbe « Garden of love », bande générique de fin, dont les paroles sont éloquentes :


« Here we are on the same boat » … Here we are on bending knees
, Giving praises to the Almighty 
Yes we will no wear no frown
 Because we’re working for a crown
, Yes we’re living in charity
 Helping those who are in need
 No we just can take no bribe
 Because the truth we can’t denie,

 You’re welcome, you’re welcome
 In my garden, my garden of love »


Si ce film révèle certainement un réalisateur du réel, qu’il faudra suivre, il nous permet aussi de remarquer à nouveau le talent d’acteur d’Olivier Loustau, que l’on avait surtout repéré dans les films d’Abdellatif Kechiche. Une belle surprise.

Hector_Vadair
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le 14 déc. 2015

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Franck Guigue

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