Rappelez-vous « La Belle et le Clochard », ce dessin animé qui illustrait la difficulté des relations amoureuses dans un contexte de mixité sociale. Lady, jolie jeune chienne des beaux quartiers, s’entichait de Clochard, un vagabond des classes populaires et tous deux étaient alors invités à découvrir la réalité de l’autre.


Sur la base de son synopsis, on pourrait inscrire LA FILLE DU PATRON dans la lignée de ces romances contrariées par les temps et les normes. Pas tout à fait.


LA FILLE DU PATRON est effectivement une peinture sociale d’aujourd’hui. « Dès l’écriture, j’étais motivé par la question de représenter les classes populaires de manière vivante, sans pathos, ni misérabilisme », écrit Olivier Loustau, réalisateur et personnage principal du film. C’est bien le cas : si le travail semble exigent, l’entreprise montrée est moderne, esthétique. On est bien dans la France actuelle, et non pas dans la fresque à la Zola souvent offerte par les films à connotation sociale. La figure du patron, notamment, est une bonne illustration de la sincérité du film : loin de courir après le rendement, il ne cherche qu’à faire survivre son entreprise dans un contexte mondialisé hostile au textile français, est issu de la méritocratie et ne hausse la voix que lorsque le père prend le pas sur le professionnel. Par leur solidarité et leurs conflits, les personnages sont crédibles et témoignent de la connaissance véritable de ses milieux ouvriers par le réalisateur.


LA FILLE DU PATRON n’est pas un film romantique. Difficile, en effet, de croire à cette idylle entre deux personnes que tout oppose : l’âge, les études (il est ouvrier, elle sort de longues études supérieures), les loisirs (soirée dansante contre match de rugby), l’attitude devant la vie en général. A défaut de sentiments, c’est le besoin de se libérer que chacun des deux protagonistes exprime. Pour lui, l’envie d’échapper à une vie limitée par un travail abrutissant et un mariage qui part à la dérive. Pour elle, jeune fille en plein bourgeonnement, il est temps de couper le cordon familial et ce « coup de foudre » lui permet de rompre avec son père, son milieu et les conventions. Jeune adulte en rébellion et ouvrier expérimenté en surchauffe… le couple n’a pas la beauté de l’évidence.


Mais peut-être est-ce là une des forces du film, qui s’attache au réalisme au détriment de la romance ou d’une happy end téléphonée pour les personnages secondaires. S’il est possible de regretter quelques grosses ficelles (la métaphore du rugby comme vecteur de solidarité entre ouvriers), elles sont de l’ordre de la maladresse et ne pénalisent pas irrévocablement ce film que l’on devine profondément honnête et intègre.

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le 6 janv. 2016

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