En l'absence d'éléments contextuels forts a priori au sujet de Vsevolod Poudovkine (réalisateur de Tempête sur l'Asie en 1928 et d'un très bon court-métrage La Fièvre des échecs en 1925), cette mini fresque historique typique du cinéma soviétique peut s'aborder en toute naïveté, avec pour seul point de comparaison le cinéma d'Eisenstein — la Révolution d'Octobre était elle aussi chroniquée dans Octobre sortie la même année 1927, pour l'anniversaire des 10 ans très probablement. Mais là où elle occupait tout l'espace chez Eisenstein, elle n'est qu'un point de détail historique dans La Fin de Saint-Pétersbourg, ce dernier s'intéressant à une sorte de récit d'apprentissage adulte dans les canons du film de propagande : la prise de conscience politique d'un homme appartenant au prolétariat.
Il y a donc beaucoup de passages obligés, sans connotation péjorative : les campagnes délaissées par les hautes institutions (bourgeois et tsar confondus), le chantage à la productivité et au temps de travail des patrons dans les usines, ou encore l'éclatement de grèves. Mais tous ces événements s'inscrivent ici dans un cadre très précis suivant l'évolution d'une perspective : le paysan affamé cherche à l'origine du travail et passera par différentes étapes comme la colère, la faute, la culpabilité, la rédemption, et le pardon. Évidemment, cinéma soviétique oblige, on a droit à un sens du montage extrêmement affuté disséminé tout le long du film : je retiendrai principalement cette séquence d'une incroyable intensité établissant un parallèle entre les soldats mourant au front sans savoir pourquoi ils combattent et les actionnaires se remplissant les poches en faisant fructifier leur capital grâce à la guerre, précisément.
L'histoire d'une prise conscience, donc, de la part d'un fils de paysans venu chercher du travail et trahissant sa classe sans s'en être rendu compte et en en prenant conscience progressivement, douloureusement. Grande séquence, aussi, quand ses camarades s'apprêtent à le fusiller sur ordre des généraux avant qu'ils ne détournent leurs canons. La mise en scène est d'une efficacité redoutable, indépendamment de la cause défendue, et développe une bienveillance constante envers les déshérités : situation des campagnes, activités des bolchéviques, carnage de la guerre... Avec un magnifique flashback collectif, provoqués par un "Camarades !" crié à ceux qui allaient exécuter le protagoniste. La dialectique est toujours semblable, à sacrifier la complexité pour un surcroît d'efficacité, mais j'apprécie toujours autant.
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