Il serait globalement assez difficile de ne pas trouver sympathique un western qui, dans le fond, cherche à montrer que les Indiens sont des êtres humains au même titre que les Américains, potentiellement faillibles, avec leurs bons et leurs mauvais côtés. Il y un sens de l'équilibre dans ce regard, à l'opposé d'une position idéalisée (et d'une position de barbare, donc, évidemment), qui est à la fois surprenant et agréable pour un film sorti en 1950. C'est un hymne à la tolérance qui ne se dilue pas dans la simplicité, alors qu'on imagine aisément que tout ce qui ne se présentait pas comme WASP était vu d'un assez mauvais œil à l'époque. Quand on apprend que l'un des scénaristes du film était sur la liste noire des cocos fichés par le maccarthysme, cela ne surprend guère et achève de conférer à l'œuvre une dimension presque subversive.
Le discours paraît certes un peu didactique aujourd'hui, avec cet historique d'une paix locale, façon "histoire vraie" (sauf la langue, comme c'est mentionné en introduction), avec l'évocation presque subliminale du parcage des Indiens à venir. La figure de Jeffords est plutôt sympathique (merci James Stewart, encore une fois), c'est lui qui fait le premier pas après avoir été dégouté par les deux camps et apprend à connaître son ennemi pour stopper les massacres. Il faut tout de même se farcir des wagons de scènes mélodramatiques bien ridicules, avec indienne au sourire blanc éclatant qui tombe amoureuse du cowboy et qui servira de caution opportuniste à la paix en toute fin de manière... surprenante. Mais le film baigne dans une atmosphère étonnante, un certain pessimisme fataliste relativement lucide, sur l'impossibilité ou du moins les difficultés du vivre-ensemble, incarnées par deux personnages aussi idéalistes qu'isolés.
Cela peut paraître simpliste mais le fait que le film s'applique à introduire de la nuance des deux côtés se savoure avec plaisir. Les salauds sont partout. Difficile de dire s'il s'agit du premier film à ne pas dépeindre les Indiens comme des sauvages, comme le veut sa réputation (fausse à mon avis, puisqu'on a des contre-exemples comme "The Daughter of Dawn", s'inscrivant dans une démarche biaisée mais presque ethnologique, qui remontent à 1920) qui me paraît abusive. Mais cette contribution à un regard nouveau n'était sans doute pas négligeable, sur le principe des torts partagés, en quelque sorte, ainsi que des bénéfices d'un enrichissement mutuel.
[AB #159]