Gérard Oury fut comédien à une époque et son dernier rôle au théâtre fut Don Salluste pour une adaptation de Ruy Blas de Victor Hugo (1838). Petit à petit, le futur réalisateur y voit un sujet de comédie avec un Salluste beaucoup plus présent. Après les succès successifs du Corniaud (1965), de La grande vadrouille (1966) et du Cerveau (1969), Oury peut enfin se consacrer à ce qui deviendra La folie des grandeurs avec Louis de Funès et Bourvil en têtes d'affiche.
Malheureusement, l'acteur de La cuisine au beurre meurt en 1970, amenant Oury et les scénaristes Danielle Thompson et Marcel Jullian à réécrire le personnage du servant Blaze pour Yves Montand, les deux acteurs n'ayant pas du tout les mêmes physique et jeu. Passé cela, le tournage ne fut pas de tout repos avec des pluies entraînant l'apparition d'herbe en plein désert et des retards inévitables. S'en suivit le froid inhabituel à la Grenade et d'autres joyeusetés. La folie des grandeurs s'impose à nouveau comme un succès avec 5,5 millions d'entrées.
De Funès est le personnage détestable par excellence, dont les ennuis successifs sont un véritable plaisir et ce dès l'introduction où il récolte le plus d'impôts possibles. Un personnage qui ne va jamais s'arrêter de comploter jusqu'à faire de son valet la figure de proue de sa vengeance. De Funès ne pouvait pas trouver mieux pour faire exploser son talent, multipliant les grimaces et les gags en tout genres, où son air surpris prend des proportions spectaculaires (cf les passages dans l'auberge où il cherche désespérément son valet et la reine).
Quant à Montand, il joue l'aventurier pas dupe pour un sou et étant aussi bien soumis à Salluste qu'il ne se joue de lui. Un duo complémentaire improbable où les acteurs se révèlent au top de leur forme. Si on regrettera que Karin Schubert soit peu convaincante en reine (pas aidée par l'attitude d'Oury sur le plateau), en revanche Alice Sapritch signe probablement deux des scènes les plus amusantes du film, dont une résolution d'anthologie (le désespoir se lie sur le visage de Montand).
La musique de Michel Polnareff se révèle très proche du travail d'Ennio Morricone sur le western spaghetti, donnant un rythme particulièrement trépidant et aventureux au film. La folie des grandeurs est un grand film d'aventure et la preuve que l'on peut faire du bon cinéma populaire avec de gros moyens (environ 18 millions d'euros ici).