Ô Louis.
Quelques mois passés hors de France m'ont fait me questionner comme jamais sur mon appartenance à ce pays. Tandis que les uns voient chez nous un peuple fier, idiot et courant à sa perte, d'autres s'interrogent sur le charme mystérieux de nos femmes et ceux-là racontent leur premier repas de cuisses de grenouilles . Mais comment leur expliquer, à ces béotiens, que la France est bien différente de cette image floue et racornie.
La France que je connais, elle est dans le chuintement dans la voix de Brassens, dans un tas de cailloux qui s'élève à Rocamadour, dans le moelleux d'une fourme de Montbrison, dans l'hymne éraillé de Nougaro à sa ville mais surtout ô grand surtout, dans le petit corps de Louis de Funès.


Lui le méridional, l'odieux, l'irascible, le plus petit et le plus tyrannique, le pusillanime et le veule, le bourgeois intrigant qu'on aime détester mais aussi le généreux, le comique, le bouffon et le mime. Lui qui après 20 ans de carrière de second couteau, est parvenu à synthétiser l'esprit français d'après-guerre, incarnant sans cesse le notable de province tentant de sauvegarder les apparences, synthétisant avec brio le petit-bourgeois de vaudeville avant que celui-ci ne soit remplacé progressivement par le bourgeois urbain dit bohème au théâtre comme au cinéma. Funès, c'est un arsenal de mimiques et de jeux de langages, un chapelet de bouffonneries puériles mais irrésistibles. C'est un volume d'occupation quasiment de la taille du champ, face auquel les partenaires servent tantôt des faire-valoir, tantôt parviennent à donner leur mesure avec consistance comme c'est le cas ici.


Funès, au delà des gags, c'est celui qui d'un coup d'oeil et d'une mimique vous fait sentir chez lui, chez vous, des décors futuristes d'Oscar à l'Espagne en costume de la Folie des Grandeurs, de la casquette de policier des Fantomas à la perruque de la Grande Vadrouille, il vous fait asseoir à sa table et s'occupe de tout. Il enchante, charme et émeut, laissant jusqu'à nous un sillage vibrionnant et unique, que l'on retrouve jusqu'à nos homme politiques.


Ah Louis, que j'ai ri quand j'ai lu Ruy Blas d'Hugo au lycée, en imaginant ton faciès mobile sous le chapeau de Don Salluste. Que l'étouffante ouvrage me parut légère en imaginant Alice Sapritch, brisant soudain l'étiquette, ronronner auprès du cabotin Blas. Qu'il me fut facile de parcourir le fiévreux monologue de l'acte III au son de la musique de Polnareff, Salluste guidant son âne à la carotte ; que l'exil de César fut savoureux à imaginer aux barbaresques.


Funès, tu fais partie de la famille depuis toujours et tu livres là ton meilleur film. Nous autres français, sommes peut-être des billes en économies mais nous avons mieux que tous les Bean et Chaplin du monde, nous avons Funès de Galarza.

Fabrizio_Salina
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le 24 août 2015

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Fabrizio_Salina

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