Film de John Boorman que j'avais bien aimé lors de sa sortie en 1985 sur grand écran. Parfois, un deuxième visionnage déçoit surtout s'il le film est revu sur un écran de télé. Pas ici. Pour moi ce film conserve sa magie.
Sa magie, disais-je, parce que je me laisse volontiers ensorceler par cette histoire ou cette aventure. Par ce conte.
Un conte qui aurait des bases réelles puisque le scénario s'inspire de l'histoire vraie d'un enfant d'un fermier péruvien enlevé par des indiens et retrouvé une dizaine d'années plus tard, complètement intégré à la culture indienne.
Mais un conte parce qu'on s'immerge dans la vie paisible d'une tribu d'hommes "invisibles" au sein de la forêt amazonienne, qui vit en complète autarcie, hors du temps. La seule véritable inquiétude de cette tribu, c'est de voir son domaine se réduire progressivement sous les avancées "civilisatrices" des hommes blancs qui ignorent jusqu'à leur existence.
Et comme rien n'est parfait dans notre monde de brutes et pour rester dans l'univers du conte, cette forêt amazonienne abrite, outre la tribu des "invisibles", pacifique et heureuse, bien d'autres tribus pas forcément bienveillantes. C'est le cas des "féroces" qui, s'ils ne réduisent pas les têtes, ont au moins des tendances cannibales.
D'ailleurs, si le look des "invisibles" est plutôt avenant, l'aspect et les maquillages des "féroces" montrent qu'ils sont bien comme leur nom l'indique. En plus, ces derniers, ayant des contacts rémunérateurs avec des mafiosi brésiliens, sont équipés de fusils mitrailleurs alors que les invisibles n'ont que des arcs et des flèches. Dont ils savent bien se servir.
Dans beaucoup de films d'aventure mettant en place des choses équivalentes, je crierais au manichéisme éhonté, "chiqué" ou "remboursez". Eh bien là, force est de constater que ça marche pour moi, plein pot. Je suis pleinement solidaire du père de l'enfant qui entreprend une quête pour retrouver son fils et je suis émerveillé quand le fils et le père se reconnaissent et se retrouvent au coin d'une (belle) cascade en pleine forêt alors qu'ils sont traqués et attaqués par les "féroces".
Il y a la bande originale envoûtante, indéniablement. Il y a les somptueuses images, certainement. Il y a cette civilisation au plus près de mère Nature, sûrement.
Et puis, les dialogues sont réduits à l'essentiel. Certaines scènes comme les retrouvailles mère-fils sont d'une grande pudeur. Tiens, à ce propos, Boorman a réussi un petit exploit en rendant la nudité très pudique parce que naturelle. Et j'ai aimé l'abdication naturelle des parents devant le choix de l'enfant devenu grand.
Il y a une sorte de connivence spirituelle entre la forêt d'émeraude et deux films précédents "Délivrance" et "Excalibur". Vu de ma fenêtre, "Délivrance" c'était le retour à l'âme profonde d'une vallée qui allait disparaître, engloutie par l'eau d'un futur barrage. Ici, c'est la forêt profonde et protectrice des "invisibles" qui risque de disparaître du fait de la construction d'un barrage et d'une ville. Enfin, "Excalibur", c'était le retour à la civilisation celtique païenne tandis que la forêt d'émeraude met en avant les croyances profondes animistes. Et encore, je ne parle pas de "Zardoz", car là, je verserais direct en pleine mythologie.
Oui, dans ce film, Boorman a su me happer, habilement, afin que pendant 2 heures, je puisse me ressourcer dans un petit bain de jouvence avant de revenir vers notre monde civilisé. Civilisé, ah oui, vraiment ?