Un petit miracle que cette douce Forêt de Mogari. A travers les pérégrinations mélancolique d’un homme ayant perdu sa femme depuis maintenant 33 ans et d’une femme venant de perdre son fils, Naomi Kawase épouse parfaitement le sujet du recueillement, de ces regards fuyants qui en disent long sur les déambulations existentielles de deux êtres paumés. Naomi Kawase, avec cette invitation à la méditation et à l’émancipation de l’intime, ne fait jamais de son film un objet visuel léthargique, mais déploie toute sa force dans son humilité émotionnelle, notamment dans une deuxième partie de film où Mr Shigeki et Machiko se perdront dans la forêt pour mieux faire cicatriser leur plaie béante de chagrins dans une chute d’eau rocambolesque et déchirante. La forêt de Mogari tisse sa toile en captant des bribes de sourires, des moments quotidiens comme celui de fêter un anniversaire, un rien enivre l’œuvre d’une atmosphère bucolique emmitouflée dans un calme reposant.
La forêt de Mogari est légère comme une brise où dans une petite maison de retraite, éloignée de toute civilisation, la réalisatrice fait vivre cette nature vivante et foisonnante avec de longs plans contemplatifs. Une pureté naturaliste comme étant les réminiscences de Malick ou Apichatpong Weerasethakul. C’est parfois beau à se damner, et le style de Noami Kawase vibre entre la fiction et le documentaire, permettant une immersion instinctive. Avec sa caméra à l’épaule, elle scrute les moindres faits et geste humains où se dégage une humanité humble et juste sur les désarrois qui font de nous des êtres vivants. Cette nature est un personnage, une gardienne protectrice, un lieu presque mystique où se cache la renaissance. Ces arbres alimentés par le vent et les sources d’eaux, sont les vestiges de ce silence qui prend soin des disparus dans le but de laisser s’émanciper la solitude des quelques rescapés. Les rares mots prononcés durant le film résonnent comme le glas et ne feront pas réapparaitre les fantômes du passé qui hantent leur présent.
C’est un film d’une justesse admirable. On pourra toujours dire, que la réalisatrice n’invente rien, et crée alors un film sur le recueillement un peu naïf sortant sa poche quelques symboliques un peu lourdes, mais cette forêt de Mogari est une ode à la renaissance, au pardon de soi, comme la possibilité de s’agenouiller et de sécher ses dernières larmes pour épeler un dernier au revoir, un dernier message pour retrouver le gout de vivre, faire corps dans un monde où mort et vie se prennent la main. Le deuil est une chose dont on ne revient sans doute pas. Se sentir en vie ? Manger mais aussi sentir ce goût de l’intérêt de son existence. Et c’est peut-être cela qui manque à ces deux acolytes. La forêt de Mogari est composé de moments de magie, un état de suspension où des étincelles de plaisir jaillissent, où Kawase voit son œuvre s’ériger d’une grâce instantanée, avec un humour délicat comme la soie, où des ricanements, des courses effrénées pour se cacher deviennent des moments d’une beauté à en pleurer.