Difficile d'aborder ce film sans (trop) passer pour une groupie :)


J'adore Del Toro depuis toujours, je ne m'en suis jamais caché : ses choix, ses envies, son amour des monstres, son respect des geeks, tout cela me parle (même si je trouvais que Crimson peak était un peu faible). Et la défiance, parfois des critiques, souvent du public et très souvent des studios (il faut voir le nombre de ses projets avortés) m'amène à le défendre régulièrement.


Du coup, la récente consécration aussi totale qu'inattendue de Guillermo par ses pairs (Lion d'Or, Golden Globes du meilleur réal, Oscars du meilleur réal et meilleur film, etc.) sonnait à la fois comme une revanche mais aussi comme une curiosité matinée de crainte : mon réal mexicain préféré avait-il vendu son âme au "diable des récompenses" ? Avait-il simplement trouvé le nouveau producteur qui, à force de lobbying, avait réussi à le porter aux nues ?


Au fond de moi, je ne voulais y croire mais je suis humain, je suis faible et surtout, essayant d'esquiver au maximum l'état de fanboy, j'attendais de voir. Et le 1er plan, aquatique, en suspension dans l'ai... dans l'eau, me fit dire "Mmmm, ça sent bon cette histoire".


Par les choix de couleurs et lumières, l'ambiance générale années 50-60, etc., j'ai pensé à Dark City, j'ai pensé à Bioshock, j'ai pensé à Delicatessen, etc. Concernant ce dernier, j'ai lu la polémique sur l'accusation de plagiat par Jean-Pierre Jeunet. Je ne suis pas vraiment convaincu. J'adore Delicatessen mais à ce train-là, on pourrait + encore s'orienter vers un plagiat


de Splash, mixé à Cocoon !


Je vois plutôt ce film comme baigné de multiples influences. Je préférerais que Jeunet tente de refaire un (nouveau) film, c'est un réal français créatif mais qui reste un peu sur l'auto-citation depuis le génial Amélie Poulain.


En plus des influences, et tout comme les oignons (et Shrek), Del Toro nous livre une histoire à multiples couches : la très belle histoire d'amour


entre 2 êtres qui sortent de la norme (un Dieu élémentaire de l'eau et une femme/orpheline/muette/femme de ménage) côtoie un contexte de guerre froide et d'espionnage (ça, c'était une surprise pour moi, n'ayant pas vu la bande-annonce, je ne sais même pas si ça y était évoqué).


L'Amérique dépeinte ici n'est d'ailleurs pas très glorieuse, et passe essentiellement par le prisme du personnage du génial Michael Shannon, militaire limite facho (ah bon, limite ?), mâle alpha dominateur (jusqu'à la maison) qui sait mettre mal à l'aise en toute occasion


(je n'étais pas bien pendant la scène de harcèlement sur Eliza)


et n'hésite pas à appuyer sur toutes les sortes de discrimination qui avaient cours à cette époque


(rapports hommes / femmes, blancs / noirs, puissants / "faibles"), le combo étant réalisé lors d'une autre scène mémorable (le passage de la Bible sur Dalila).


Ce qui étonne également dans le film, c'est qu'en + de l'amour, Guillermo évoque


(et plutôt frontalement) la sexualité : aucune œuvre de sa filmo ne peut se vanter d'être aussi explicite à ce sujet (pensez-donc, la 1er scène de Sally Hawkins est sa routine du matin : se faire des œufs durs puis se masturber dans son bain ^^).


Mais ça n'est jamais gratuit, cela contribue à construire ce personnage complexe, en souffrance et presque vide de Sally.


Comme j'ai pu le constater (et vous le ferez également), le film est d'une richesse que je commence à peine à effleurer à mesure que j'y réfléchis (et que je rédige). Je pourrais également parler des hommages au cinéma et


aux comédies musicales (toutes les séquences à la télé, la scène de chant et de danse en N&B, complètement improbable sur le papier et pourtant tellement jolie) ou encore de l'homosexualité, c'est sans fin !


Ce film est un aboutissement pour Del Toro, dans le sens de la consécration enfin là et méritée mais aussi pour ce foisonnement de thématiques et de maturité. C'est le 1er film du reste de sa vie.

Créée

le 7 mars 2018

Critique lue 427 fois

8 j'aime

3 commentaires

gruute

Écrit par

Critique lue 427 fois

8
3

D'autres avis sur La Forme de l'eau

La Forme de l'eau
carolectrice
5

Shape of You

Ca fait des mois que Sens Critique nous fait baver devant cette magnifique affiche très énigmatique... alors voilà, ça y est, je l'ai vu le dernier Guillermo del Toro, j'étais allée fortuitement voir...

le 19 févr. 2018

169 j'aime

14

La Forme de l'eau
mymp
4

Waterproot

Les quinze premières minutes augurent du pire, en mode Amélie Poulain, la revanche : ambiance désuète, images ripolinées aux teintes verdâtres, musique d’Alexandre Desplat avec accordéon de...

Par

le 14 févr. 2018

116 j'aime

7

La Forme de l'eau
Moizi
5

#JesuisSamson

Je suis vraiment déçu par ce film, j'adore ce que peu faire Del Toro, mais c'est sans doute celui que j'aime le moins avec Blade II. Alors ce n'est pas mauvais, il y a plein de bonnes choses dans le...

le 19 janv. 2018

113 j'aime

7

Du même critique

2001 : L'Odyssée de l'espace
gruute
1

J'ai pris cher (avis perso et à charge !)

Mais bon, c'était le jeu : le revoir avec mes yeux de cinéphage convaincu, avec tout le recul nécessaire, dans des conditions de visionnages optimales (image et son), après avoir lu le bouquin...

le 7 déc. 2015

35 j'aime

50

Godzilla II : Roi des monstres
gruute
4

Le chef op' en pause déj'

Après un Godzilla timorée du sympathique Gareth Edwards et un Skull Island plutôt bien emballé mais con toutes les 10mn, le MonsterVerse continue avec ce volet se déroulant 5 ans après les événement...

le 19 juin 2019

34 j'aime

18

Logan
gruute
10

Logan's run

La voilà, la conclusion de la trilogie The Wolverine, le dernier baroud d'honneur de Hugh Jackman qui aura incarné ce mutant taciturne (^^) 8 fois en 17 ans, le rôle d'une vie.Après un 1er opus...

le 28 sept. 2022

34 j'aime

15