La forme de l'eau
Rien que le titre me faisait fantasmer depuis des mois, j'en tremblais rien qu'à entendre le nom.
De plus, d'après Marie Claire et Paris match l'eau est mon élément alors comment douter de la véracité de ce fait ? De même, l'eau symbolise la pureté, la volupté, la sensualité... Entre "la guerre du feu" et "la forme de l'eau", je choisis la forme de l'eau. Entre "le dernier maître de l'air", "Terre champs de bataille" et ce dernier mon choix est irrévocable.
De plus, l'idée que la réalisation revenait a guillermo del Toro m'enthousiasmait davantage, un des rare réalisateur qui ne m'a en soit jamais déçu car il est habitué à jouer sur deux tableaux, les films d'actions dégueulasses avec des monstres de partout, et des films fantastique où la mise en scène subtile et la beauté sont de pair, pour ne citer que l’échine du diable et le labyrinthe de pan.
Des mois à attendre une bonne occasion d'aller au cinéma et franchement j'en ai eu pour ma carte d'abonnement (mon argent si vous préférez).
Déjà un premier travelling avant sous l'eau avec comme pour habitude la petite voix-off del toroesque en début de film (Mais pourquoi n'y avait-il pas de séance en VO?). Et puis on retrouve assez facilement toutes les ficelles développées dans ses anciens films, avec certes une narration qui manque de mystère, de développement, d'atmosphère. A part cela toute la réflexion manichéenne triviale : le méchant est en fait un gros gros méchant et finalement c'est lui le monstre et pas l'autre à cause de son manque de tolérance. Michael Shannon campe d'ailleurs assez bien le rôle, et nous livre un petit con imbu de sa propre personne fasciné par la réussite matérielle et professionnelle, raciste, violent et égoïste (alors qu'il est méchant avec sa femme il lui dit de se la fermer dans une scène de cul limite inutile a part pour voir les fesses de Michael).
De l'autre coté, pour ne pas encore reparler d'enfant et montrer qu'il change de temps en temps, la gentille est elle campé par Sally Hawkins, muette et avec des cicatrices sur le cou mais finalement ça ne me dérange pas, j'irai même a dire que ça m'excite. Pas de personnage pur cette fois à cause de son bas age, mais intrinsèquement gentille et dévouée, se sentant recluse dans ce monde et s'identifiant finalement qu'à la personne aussi seule et incomprise qu'elle : la créature. Ainsi la leçon du film reprend une encore fois le point du jugement d'autrui, ne pas s’arrêter au premier regard, à la première impression. Ce qui nous paraît extérieurement différent n'est pas forcement laid et la prison charnelle anthropomorphe que nous portons ne suffit pas à nous définir comme humain, on l'est à travers nos agissements (ou pas). C'est d'ailleurs Sally hawkins, la seule personne dénuée de parole qui cherche à communiquer avec la créature alors que les mâles américains eux ne pensent qu'à faire parler leurs poings et après comprendre et pourquoi pas communiquer.
Niveau réal, guillermo fidèle au poste avec cette incapacité à rester fixe, énormément de caméra en mouvement aussi discret et lent qu'il soit (avec même le souvenir d'un travelling circulaire qui se transformait par la suite en travelling avant sur Michael Shannon, ou encore ce plan sur Michael Shannon (encore) sortant du sas, ensanglanté en plein milieu du couloir). Finalement le peu de caméra fixes servent à souligner la solitude du personnage principal au début, et vers la fin à asseoir la tension émotionnelle entre les deux êtres (notamment la scène de la table).
A mes yeux les plans les plus réussis restent sans aucun doute ceux sous l'eau, ceux que j'attendais de pied ferme, ceux qui apporte le plus de sensualité au film, en premier lieu celui de la salle de bain.
Cependant voilà malgré certains points positifs et le style inchangé de del toro, le film manque cruellement de mystère pour un film fantastique, de volupté et passion pour un film romantique et de poésie pour du del toro. On accroche au film, à sa fluidité, le peu de temps mort, ses couleurs criardes, très pastels qui peuvent rappeler Jeunet, sa forme, son eau, la technique... mais cela manque clairement de fond.
Pas dans l’histoire , on a compris la morale bla, bla, bla. Dans l'image, dans la forme il manque de fond.
Je m'explique pour moi que ce soit dans la mise en scène ou dans le scénario il y a pour les deux une forme et un fond. La forme de la mise en scène, c'est la photographie, l'esthétique. Celle du scénario c'est la narration (comment c'est amené, développé, couché...).
Le fond du scénario c'est ce qu'il tend à dire, à montrer, voir même à dénoncer. Pour la mise en scène c'est la charge émotionnelle, le fait de donner un caractère à une image, qu'elle ne soit pas que belle, qu'elle apporte quelque chose de plus qu'une virtuosité graphique imprimé sur ma rétine.
Par analogie avec une femme (car il n'y a jamais mieux qu'une telle analogie) une femme peut être belle mais insipide lorsqu'il lui manque du charme, son charme pourvoit à son caractère et son caractère alimente son charme. Aussi belle, bien faite qu'elle soit, sans charme elle ressemble à une bouteille vide mais agréable à regarder.
Certains films qui ne répondent qu'à des concepts uniquement esthétiques ne sont bien sur pas jugés à mon sens de la même façon. Ce n'est pas le cas de la forme de l'eau. Cette carence est donc bel est bien apparente, son absence est la pire des présences.
Ce n'est cependant pas un mauvais film, cela reste assez bien fait dans l’ensemble, assez riche et les quelques idées comme les gouttes d'eau sur la vitre du bus qui se mélangent sont assez sympa. Après est-ce qu'il est conforme à mon attente ? Oui...et non, disons que l'impression que ça me donne est que Del Toro se repose un peu sur ces lauriers en ré-appliquant les mêmes ficelles, les mêmes recettes que dans ces précédents films tout en oubliant le plus important : la poésie du Labyrinthe et de l'échine, la forme du film, la forme de l'eau.
PS : Il a en plus détruit une superbe Cadillac, la même que dans Sin City, avec un vert magnifique...Enfin c'est pas vraiment du vert, c'est une nuance de vert, du bleu lagon