Le Labyrinthe de Pan ! Je n'ai jamais compris pourquoi on associe toujours Guillermo Del Toro avec ce film alors qu'il a quand même une sacrée filmographie. Ok, c'est un excellent film et son film le plus culte, mais je trouve assez réducteur. Shyamalan n'est pas limité qu'au Sixième Sens et heureusement d'ailleurs, Spielberg je n'en parle même pas, même Andrew Niccol peut compter sur The Truman Show (dont il est le scénariste) et Lord of War, au lieu qu'on dise toujours pour la centième à Bienvenue à Gattaca. Mais bon, je pense que c'est plus vendeur de dire qu'il est le réalisateur du Labyrinthe de Pan alors qu'il a fait Blade 2, Pacific Rim, les 2 Hellboys, que son jeu réalisé avec Hideo Kojima Death Strading sort cette année (en même temps ce sont les mêmes personnes qui ont dit que Crimson Peak était un film qui n'était pas convaincant. On en parle de Valerian ?) ! D'autant plus que même si les 2 films ont pas mal en commun, The Shape of Water ou la Forme de l'Eau est bien plus un spin-off à Hellboy qui ne dit pas son nom et un très bon film et le meilleur film que j'ai vu depuis le début d'année (et il y a encore 9 mois de cinéma à vivre)
On passe du rouge au bleu
Bon, on va passer sur ce qu'il y a de plus évident, à savoir que Guillermo Del Toro marie très bien ses couleurs. C'est toujours maîtrisé et quand on connaît sa filmographie, on n'est pas surpris (espérons que Pacific Rim : Uprising sera dans la même veine). Mais ce qui tranche avec ses autres productions est l'omniprésence du bleu. Il y a du bleu partout. 70% du film est avec cette teinte ou d'une couleur approchante (que ce soit le bleu turquoise ou marine, le vert assez pâle pour la plupart). Le reste du film est soit du jaune pour Richard Strickland ou du noir pour le même personnage. Le rouge n’apparaît que très peu mais uniquement pour les scènes qui mettent en avant les chaussures que veut obtenir Elisa (ses chaussures habituelles étant noires). Du coup, chaque couleur possède une signification plus que particulière et on peut s'amuser à les décortiquer. Ensuite, la réalisation est vraiment incroyable et bien pensée. On n'a plus un film aussi horrifique de Crimson Peak mais un conte avec des travellings, des plans séquences inspirées, des transitions plutôt classes etc. On peut reprocher une certaine baisse de rythme au milieu mais on s'y fait vite. Quant à la musique, je ne sais pas pourquoi, mais on dirait qu'il y a une certaine appréhension pour Alexandre Desplat. Disons qu'il s'agit d'un compositeur à la musique peu marquante. Ok, pour Valerian, sa musique n'était marquante mais était correcte, la musique de The Queen était sympathique pareil pour Florence Foster Jenkins et je ne parle pas de la musique des 5 Légendes ! Et ici son score est sans doute l'un des meilleurs de toutes. Elle sait être envoûtante et donne une bonne dose d'enchantement dans ce film qui prend des allures de contes. Mais ce qui est bien est que cela fait longtemps que je n'ai pas vu un film qui traite aussi bien la plupart des personnages principaux.
Plusieurs nuances d'amour
L'héroïne Elisa (Sally Hawkins qu'on connaît pour le film assez oubliable qu'était Be Happy mais aussi pour être la copine assez naïve de Cate Blanchett dans le Blue Jasmine de Woody Allen) est une très bonne héroïne. Il s'agit d'une muette qui ne s'exprime que par signe et qui est un peu rêveuse et femme de ménage dans un centre de recherche de la guerre froide. Elle rencontrera en la créature une âme qui la comprend et une âme sœur. Bref, c'est une marginale qui se lie et libérera une créature que les autres ne comprennent pas, jusqu'à tomber amoureuse et voir de la beauté dans cette être exceptionnelle (bref, pas comme dans 50 Nuances de l'Arnaque !).
La créature en elle-même, inspirée de Lagoon Boy de DC Comics, la créature du lac noire et bien sûr Abe Sapiens joué par l'habituel complice de Guillermo Del Toro en dehors de Ron Perlman , Doug Jones (j'en ai fait une chronique ici qui détaille ses rôles). Elle est aussi muette mais est bien plus expressive et majestueuse. Bien qu'il s'agisse d'une divinité (du moins, c'est prétendu au départ et spoiler, elle l'est), la créature se comporte globalement comme un animal qui a envie d'être libre, mais paradoxalement est plus humaine que n'importe quel être humain. Il verra aussi en Elisa une personne qui arrivera à comprendre.
Maintenant on passe au grand méchant Richard Strickland (Michael Shanon). Vous pensiez que Zod était un méchant classe ? Vous n'avez pas vu les autres rôles d'antagonistes de Michael Shanon ! (sauf dans Midnight Special où il joue un père de famille aussi bon que Kevin Costner en Jonathan Kent). C'est un méchant un brin caricatural de cette guerre froide, possédant presque tous les défauts du monde, sauf peut-être le faite qu'il soit un mauvais père (mais bon sa famille n'est pas si exploitée que ça). Il est brutal, calculateur un brin paranoïaque mais il subit aussi la pression de sa hiérarchie, lui qui était militaire. Le faite qu'il soit aussi raciste et ne montre aucune considérations envers ses employés, prouve à quel point il ne comprend pas la créature ne le considère que comme un trophée qu'il doit torturer.
Giles (Richard Jenkins) est un artiste ...voisin ? Je ne sais pas si c'est un bug de wikipedia, mais je ne pense pas qu'il soit un voisin d'Elisa, mais son colocataire. Il ont tous les 2 une belle relation d'amitié. Mieux ! Giles est vraiment un père de substitution qui veut la protéger, en particulier d'elle même. C'est aussi un artiste assez désabusé de la vie et rejetée à cause d'un ...soupçon d'homosexualité ? Il comprend aussi la créature mais pas de manière aussi profonde qu'Elisa, mais l'aidera contre Strickland.
Zelda (Octavia Spencer) est l'archétype même de la bonne copine. Octavia Spencer campe un personnage différent que de son rôle dans les Figures de l'Ombre. Elle est sympathique ne se laisse pas faire et protège bien Elisa, elle qui est aussi discriminée. Elle est une vraie complice et parfois tente de la protéger contre elle-même et ses actions, jusqu'à prendre partie pour elle. Par contre si j'étais elle je plaquerai le mec qui lui sert de mari, l'archétype même du lâche.
Robert Hoffstetler (Michael Stuhlbarg) est le scientifique employé de Richard qui est aussi un espion russe. Mais quand il découvrira que l'être amphibien interagit avec Elisa, il comprendra que la créature est douée d'émotion et de sentiments. Je trouve très bien comme personnage dans la mesure où dans le film, on aurait pu tomber dans le piège du faite que les artistes sont doués d'émotions et que les scientifique ne sont doués que de raisons (bref , la différence entre le rêve et la réalité, l'idéalisme et le pragmatisme). Ce personnage montre tout l'inverse. C'est un scientifique doté de coeur qui sacrifie même sa véritable allégeance afin de ne permettre à la créature et Elisa d'être ensemble, et lui prodiguant de sages conseils pour la garder en vie.
Les autres personnages sont assez secondaires mais quand même marquants. Général Hoyt (Nick Searcy) est la figure d'autorité, Fleming (David Hewlett de la saga Stargate, à savoir le docteur McKay) est un suiveur, la famille de Strickland ne sont visibles que dans 2 scènes au moins etc...
Un conte enchanteur
L'histoire est un conte de la Guerre Froide. Un peu comme le Labyrinthe de Pan à l'exception que la frontière entre le réel et l'imaginaire est bien défini dans ce dernier film. Ici, on a une histoire d'amour entre une femme muette depuis un événement où elle a été mutilée au cou (la laissant des cicatrices sous forme d’évents). C'est non seulement une histoire d'amour entre une femme exclue et une créature exclue mais aussi un film sur les marginaux et rejeter. J'ai l'impression que c'est la tendance des oscars ses temps-ci en plus de faire des pieds de nez à Trump (Elisa étant d'origine latine dans le film). Cela dit, l'histoire est particulièrement bien racontée malgré les 3 parties limpides. Si j'ai un reproche à lui faire, c'est le final. Le film possède le même problème que Crimson Peak à savoir un film maîtrisé les 3/4 du temps, mais avec un final qui use de facilités grossières et visibles. Et c'est dommage car le film était à 2 doigts du chef d'oeuvre, mais comme Crimson Peak, l'histoire n'est plus maîtrisée au final. Bien que cela marche dans le style du conte et est nécessaire pour le personnage de Strickland, cela n'empêche pas que le film use de facilités trop évidentes. Et c'est dommage car c'est ce genre de chose qui lui fera raté l'Oscar (ou d'autres choses tellement scandaleuses qui faudrait une vidéo entière pour montrer ce qui ne va pas aux Oscars, en plus un Angry Critique l'a déjà fait). Cela n'empêche pas que le film soit vraiment une merveille d'histoire et un film qui aurait du arrivé pour le 14 Février (au lieu de ça on s'est taper 50 Nuances de l'Arnaque dont on sait qu'après 2 film il y a rien à en tirer de ses films).
Excellente romance
Bref, ce film de Guillermo Del Toro est malgré ses défauts un de mes films préférés de 2018 et aussi du réalisateur. Un film sur un amour en apparence impossible, fantastique, poétique et haut en couleur. Et pour une histoire avec un personnage muet, c'est vraiment touchant et mieux fait que le récent Mute. Oui, le silence est de mise.
Addendum :
Mise à jour du 28/02/2018. Oui, je sais. La Forme de l'Eau a eu son Oscar. J'étais très content même s'il n'était pas le film que je voyais remporter.