Voici enfin le nouveau film de Guillermo Del Toro, tant attendu, et déjà couvert d’éloges et de récompenses, pour sa beauté et le message délivré.
Autant dire que ma déception est à la hauteur de l’espoir que j’y avais mis. En effet, je pensais voir une œuvre étrange, décalée et qui dérange. A la place, je me suis trouvé devant quelque chose d’une banalité sans nom et ô combien prévisible. (Je spoile allègrement).
Pour commencer, les personnages sont tous ultra manichéens, lisses, sans profondeur et les traits de caractère sont poussés à l’extrême ce qui donne un méchant raciste, violent, misogyne, ethnocentré (je ne vois pas comment on aurait pu le rendre plus détestable) , et des gentils doux, bienveillants, sensibles .
Un autre exemple, lorsque Giles (le voisin) explicite son désir pour le serveur du café dans lequel il a l’habitude de se rendre, ce dernier le rejette violemment, mais au lieu de s’arrêter là, on a un couple de noirs (très chic, bien habillés) qui arrive au comptoir et se font expulser sans ménagement. Était-ce vraiment la peine de forcer le trait à ce point ? Non non, il faut bien montrer que c’est un salaud et qu’en plus d’être un homophobe, c’est aussi un raciste.
On a beau être dans ce qui ressemble à un conte, ce n’est pas une justification pour présenter des personnages aussi inintéressants et sans aucune évolution.
Concernant le monstre, je conçois que l’on puisse être dans un hommage à certains vieux films, cela n’empêche que je l’ai trouvé très banal et on tombe dans les clichés habituels de la gentille créature qui mange les chats et qui a des pouvoirs de guérison et de régénération. Quelle originalité ! (Je me trompe sans doute mais j’ai trouvé que les bruits de la bête sont identiques au mutant de Splice)
Mais là où ma déception a été la plus forte, et qui est le cœur du récit, c’est l’histoire d’amour entre Eliza et la créature (on passera sur le cheminement expéditif qui transforme sa curiosité en véritable sentiment amoureux) :
Déjà le fait d’avoir représenté un monstre très anthropomorphe jusque dans la silhouette, les épaules et muscles (on voit clairement qu’il s’agit d’un mâle) atténue fortement le coté dérangeant et répulsif qu’il est censé provoquer (la plupart du temps je voyais 2 humains).
Je pense à La Région sauvage qui est bien plus subversif sur ce point-là (une sorte de pieuvre/serpent tentaculaire dans des scènes érotiques où le plaisir est montré).
Ça c’était pour l’aspect physique. Concernant leur relation, c’est encore pire :
L’héroïne est muette et ne communique qu’avec quelques amis proches, autrement elle est complètement isolée dans la société. Donc quand elle commence à apprendre quelques mots du langage des signes au mutant qui les reproduit, là cela commence à être fort : elle va enfin communiquer avec un être qui s’intéresse à elle et fait les efforts nécessaires pour pouvoir communiquer.
Mais mes espoirs sont progressivement réduits à néant lorsque je constate que le monstre ne fait que reproduire quelques mots (œuf, musique, toi, moi, ensemble) et que leur communication se limite finalement à un mimétisme un peu évolué.
Le paroxysme est atteint dans cette scène de comédie musicale fantasmée où Eliza déclame ses sentiments, et quand on revient à la réalité et qu’elle bouge les mains dans tous les sens pour lui dire qu’elle l’aime, la bête ne la regarde même pas et s’occupe de décortiquer son œuf pour pouvoir le manger, c’est limite pathétique…
Le seule scène qui m’a vraiment plu, c’est lorsqu’ils inondent la salle de bain et se retrouvent dans une sorte de ballet aquatique sensuel, là on a quelque chose de beau et original. Mais c’est le seul moment où j’ai été un peu émerveillé.
De façon générale, tout est grossier dans ce film, l’histoire est cousue de film blanc et les messages manquent de subtilité (ode à l’amour transgenre ? interracial ? waouh quelle finesse…).
Si on était dans un énième blockbuster, je n’aurais pas été surpris mais on nous le présente comme un film intelligent, alternatif.
La seule différence avec un « E.T. » , « Sauvez Willy » ou tout autre film où cette thématique est éculée, c’est que l’héroïne baise avec le monstre.