Çà faisait longtemps que j'attendais le retour de Guillermo Del Toro vers des oeuvres plus intimistes. De la trempe de l'échine du Diable ou du Labyrinthe de Pan pour être précis.
Et s'il est vrai que sa patte visuelle, très graphique et toujours efficace dans la forme a de quoi séduire, je trouve malheureusement que le fond fait souvent défaut dans ses dernières réalisations, à quelques exceptions près, comme les deux Hell Boys.
Et puis il y a eu The Shape Of Water.
Et c'est du kiff
Cette oeuvre fait définitivement plaisir à voir, à vivre, à ressentir.
Car loin des canons du genre, Del Toro vous offre ici une vision très intimiste du film de Genre, sous le prisme d'une histoire d'amour improbable mais raffinée, et surtout particulièrement axée sur le ressenti, l'ambiance.
Merci le Romantisme Littéraire.
On sent l'amour du Réalisateur pour ce courant Littéraire, déjà largement ressuscité pour les besoins de Crimson Peak.
Mais ici, tout va plus loin dans le détail. Raffiné est le bon terme.
Le montage est génial. La photographie sublime, orientée de bout en bout vers le vert, avec quelques fulgurances toujours utiles en noir et blanc.
Et même s'il est difficile de ne pas penser à un calibrage pour les Oscar, le résultat n'en demeure pas moins excellent.
On vous transporte dans une histoire haletante, évidemment issue de l'univers Hell Boy pour un Spin Off où l'action se recentre sur Abe.
Un Abe qu'on découvre brutal, mais touchant par sa sensibilité.
Alors oui, on vous a déjà fait le coup de la régression de l'humain face à la Bête. Oui, on vous a déjà fait le coup de la Zoophilie ou de l'amour impossible.
OK.
Mais l'angle pris ici par Del Toro se rapproche plus d'un Philadelphia, le pathos en moins.
L'histoire d'amour est non seulement encadrée par une trame solide, mais aussi par une démonstration qui brille par son ouverture d'esprit, à la fois moderne et crue dans certains passages.
ATTENTION SPOILERS
Ce qui m'a fait tiquer au début du film (scènes de masturbations, nudité frontale, sexe désincarné) prend tout son sens en fin de film.
FIN DES SPOILERS
Chaque personnage est décrit avec soin, et le côté cru se révèle intéressant pour comprendre l'égocentrisme de l'un ou la solitude de tous.
La créature (Abe) agit ici comme révélateur de bien être, avec un côté prévisible dans le déroulé, mais filmé d'une manière extrêmement touchante.
Pour aller plus loin, j'ai retrouvé ici un de mes Réalisateurs favoris au sommet de son art, avec une photographie sublime, mais qui vous sert un plat à l'exact opposé de la noirceur suffocante d'un Labyrinthe de Pan.
L'angle pris ici est assez noir, mais la narration surprend par sa douceur.
Guillermo Del Toro filme les tribulations du couple dans sa découverte amoureuse avec une sensibilité jamais niaise ni condescendante.
Au contraire.
Le personnage d'Éliza est à la fois tendre mais fort, et apparait rapidement en symbiose avec Abe, qui se paie le luxe d'avoir une part centrale dans l'histoire, loin de l'unique faire-valoir que l'on pouvait craindre.
Del Toro vous invite dans une histoire où même les personnages secondaires sont intéressants et contribuent avec adresse au dénouement final.
Lui-même...
Non, je ne vous gâche pas la surprise.
Car on ne se situe pas dans une histoire calibrée pour Hollywood. L'histoire est bien écrite, bien mise en scène. On a envie de découvrir ce qui va advenir des personnages. On aime détester Strickland.
Bref, on aime ce film.
Ah... Purée que ça fait du bien !
Je ne m'y attendais plus, et j'ai adoré.
La direction Artistique n'a jamais aussi bien porté son nom que dans ce film, à la fois innovante et captivante.
On fantasme avec Éliza dans sa quête et ses aspirations, on souffre avec Abe et on admire son évolution.
Merci, M. Del Toro !