"The keep" est sans aucun doute le plus mal aimé des films de Michael Mann. Dans un premier temps, je me suis demandé pourquoi ? En effet, on retrouve dans ce film, tous les éléments qui font habituellement son cinéma. Ensuite, je me suis dit que, peut-être, les gens aiment moins ce film pour la même raison que moi je préfère celui-ci au reste de sa filmographie. Bon c'est un peu prétentieux. Prétentieux de prétendre comprendre ou même juste de vouloir comprendre lorsque les facteurs sont si nombreux pour qu'un film trouve ou non son public. Prétentieux aussi parce que ça donne l'impression que j'ai trouvé, que j'ai raison et qu'il n'y a plus de débat possible. Je vais donc reformuler. "The keep" est sans aucun doute le film de Michael Mann que j'apprécie le plus. Pourtant, on y retrouve tous les éléments habituels de ses autres films. Alors pourquoi apprécié-je donc celui-ci et pas les autres. Car oui, disons-le haut et fort, Michael Mann m'ennuie lorsqu'il fait un film. J'ai revu "Heat" je me suis ennuyé ; j'ai vu "Collateral" , je me suis ennuyé ; j'ai vu "Public ennemis", je me suis ennuyé ; j'ai vu "Miami Vice", je me suis ennuyé. Pourtant je lui confère un réel talent visuel. Et les histoires qu'il a écrites pour la série "Starsky et Hutch" sont bien ficelées, à l'ancienne.
C'est le genre qui fait toute la différence. "The keep" reste à ce jour la seule incursion de l'artiste dans le monde du fantastique. C'est bien dommage pour moi. Ce qui fait la différence entre ce genre et celui du polar qu'il affectionne tout particulièrement, c'est que toute la dimension romantique de ses personnages se retrouve propulsée au plus haut sommet de la tension. Michael Mann, il aime parler du bien et du mal. Souvent, dans ses films, on retoruve les deux extrêmes, le gentil, et le méchant, et puis, par petites touches, l'auteur va amener de la subtilité, il va nuancer ses personnages. L'on retrouve donc ici des vrais méchants, des vrais gentils, et puis tout ce qu'il y a entre les deux. Mais là où il fait fort en terme d'écriture, c'est qu'un pur gentil peut se révéler pire que tout lorsqu'il agit sans s'en rendre compte au service du mal. L'on retrouve également des conversations sur le sujet. C'est passionnant.
Dans un polar, qui se veut réaliste, ça fonctionne moins. En tous cas, pour moi. Je trouve ça moins crédible, alors que dans un univers déjà surréaliste, ça passe beaucoup mieux. Ça vaut pour pas mal d'éléments que l'on retrouve dans tous ses films. Sa traditionnelle scène de sexe gratuite. Elles me sembles pénibles habituellement, ici ça passait très bien. Car une fois de plus la dimension romantique est appuyée par l'aspect fantastique.
Mann n'a malheureusement pas bénéficié du meilleur budget pour les effets spéciaux. En plus on est en plein dans les 80's, ce qui veut dire que la plupart des effets numériques. N'empêche que le bougre s'en sort bien pour l'époque, peut-être grâce à une photographie très pub, voire très clip MTV. Avec la musique synthé des Tangerine Dream, on se croirait par moment dans une video de Jean Michel Jarre. Mais c'est beau. C'est kitschement beau. Je trouve tous les films de Mann assez kitsch, que ce soit pour définir l'amitié entre deux hommes, ou la naissance d'un héros. Mais une fois de plus, c'est le côté fantastique qui rend ce kitsch supportable ici alors que dans les autres films ça m'ennuie. Car Mann ne filme pas, il contemple. Il pose sa caméra et nous montre ce qu'il se passe à un rythme terrblement lent. Il ne se passe presque rien. L'on retrouve d'ailleurs des plans qu'il reprendra pour ses prochains films. Je pense notamment à un plan de bateau avec le lever de soleil qui est repris presque tel quel dans "Miami Vice". Preuve que Mann était déjà opérationnel à l'époque.
Enfin, le réalisateur s'entoure toujours de bons acteurs. Pourtant, pour une fois, il n'a pas de grosses vedettes au casting, juste des second rôle ou des gens sur lesquelles des producteurs misaient de l'argent dans l'espoir que... Mais pas de Pacino, pas de Caan, pas de Smith ou un quelconque ersatz de l'époque. Ça n'empêche qu'on découvre un gabriel Byrne tout jeune tout SS. Et d'autres habitués des séries B qui ont tendance à sortir directement en Video/DVD.
Bref, "The Keep" est un film fantastique de Michael Mann. On y retrouve tous les éléments habituels de ses films, mais dans un genre qu'il n'osera plus revisiter par la suite. Les effets spéciaux sont souvent ratés, c'est un fait, mais ça ne veut pas dire que le film est raté pour autant ; ce qui importe c'est l'histoire. J'ai été conquis par cette ambiance gothique, cette époque, ces personnages. J'avoue que maintenant j'ai vraiment l'envie de revoir ses films ou de découvrir ceux que je n'ai pas encore jamais vus. J'ai bien peur de pleurer de déception, mais "The keep" a été une tellement belle surprise...