La grandeur est faite de petites choses.

Vidor nous offre une ode à la vie magnifique, avec ses difficultés comme ses joies les plus grandes, où la douleur existe uniquement pour se battre et trouver ses raisons de vivre. La foule, comme cette masse effrayante, impersonnelle dans des bâtiments immenses où travaillent minutieusement de minuscules fourmis. La foule, unique endroit de légèreté, aussi, quand on se rend compte que le plus grand des bonheurs est d’y être profondément installé.

Après la mort de son père et cette terrible désillusion, John, que l’on retrouve un peu plus âgé, part en ville avec des rêves de grandeur. Il veut monter tous les échelons, car son père le savait, il sera quelqu’un d’important. En virée avec son ami, il va faire la rencontre de Mary, une jeune femme sérieuse mais délicieuse qui va bouleverser tous ses idéaux. «Il a décidé de rejoindre les 7 millions de personnes qui pensent que New York n’attend qu’eux». Malgré les épreuves de la vie auxquelles il va être confronté, irréparables mais pas insurmontables, il va trouver dans ce lieu de tous les espoirs un nouvel équilibre.

Ce chef d’oeuvre est étonnant de simplicité et de sourires. Quoi de plus beau qu’une aventure complice avec ce couple qui traverse le temps d’un film les plus dures et les plus belles épreuves de la vie ? La foule montre sans cesse la contradiction de ce bellâtre qui, petit à petit, va oublier ses rêves d’enfants pour se rendre compte que la grandeur est là, à ses pieds. Il s’agit de sa compagne, de ses enfants, de son entourage. Le héros est tout le temps rattrapé par la vie même quand le désespoir pointe le bout de son nez et toujours par les gens autour de lui. Cet amour, unique moteur de son coeur fissuré, va lui permettre d’entretenir cette petite flamme qui crépite en lui vaillamment mais pas toujours prudemment. Le drame qu'il va vivre va le changer pour toujours.

La musique accompagne toutes les scènes et rend ce film muet complètement vivant. Les plans ont un charme particulier et brossent le portrait éphémère de ces deux âmes qui ne font qu’évoluer au fil du récit. Le thème de la foule revient souvent à l’image, comme un monstre impressionnant qu’on apprend à apprivoiser. La scène du pont, que je vous laisse (re)découvrir, est chargée en émotions et recueille très bien ce sentiment insaisissable, si facile à déclarer mais si lointain à ressentir lorsqu’un malheur emprisonne nos sens : l’amour.

Je recommande ce film (et remercie Aurea pour cette superbe découverte) à tous, toutes, car c’est une belle et authentique leçon de vie, toujours d’actualité et intemporelle alors qu’elle date pourtant de 1928. Au-delà d’une simple relation amoureuse avec ses hauts et ses bas, Vidor montre la vie comme elle est grâce à ces deux personnes qui tireront de leurs expériences une morale commune : la grandeur se trouve définitivement dans les petites choses. Comprendre que ce qui nous rend unique et indispensable, ce sont les autres...
EvyNadler

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