« Une année, un film » : La Foule, King Vidor, 1928.

Ce titre de film ne vous dit sûrement rien, et je dois avouer que j’étais dans le même cas avant de faire ma petite liste-défi. En voyant à quel point ce film était encensé, je me suis dit qu’il valait mieux ne pas le manquer. Pour corser le tout, sa postérité ne l’a pas rendu des plus faciles à trouver pour autant. Mais la persévérance paye et j’ai pu mettre la main dessus pour faire la rencontre avec ce grand classique du cinéma muet.

La première scène de La Foule nous ramène à la naissance du protagoniste, John Sims, le 4 juillet 1900. La date choisie n’est bien sûr pas anodine, étant donné qu’il s’agit de la date de la fête nationale aux Etats-Unis. On avance ensuite en 1912 où le jeune John a grandi, et vit dans une famille relativement aisée, mais la mort tragique et brutale de son père va le marquer à vie. A 21 ans, il part pour New York, plein d’entrain et de rêves, vers ce qui représente pour lui un monde d’opportunités. Mais dès son approche de l’immense ville en bateau, on va lui faire comprendre qu’il s’agit davantage d’une vaste marée humaine où faire sa place n’est le lot que de bien peu d’hommes.

King Vidor analyse, décrit et explore les limites du rêve américain avec La Foule. Les premières scènes en ville, notamment à Coney Island, mettent en avant tout l’optimisme, voire la débauche qui animaient la vie mondaine dans les années 1920. Le reste du film se concentre sur la vie de John & Mary Sims, passant par tous les stades de la vie de couple, entre l’euphorie des débuts, l’habitude, les difficultés à lier vie de couple et vie professionnelle, les pressions et tensions qui en découlent, etc. La Foule utilise un point de vue relativement simple et accessible à tous, en le combinant à une esthétique et à une réalisation très poussées pour l’époque.

Ce qui fait la force de La Foule, c’est qu’on ne tombe pas dans la routine et dans le convenu. Ce film regorge de fraîcheur et d’optimisme. Bien qu’il s’agisse avant tout d’une critique de ce que représente le rêve américain, et du danger de se précipiter en y croyant dur comme fer, c’est un film qui transmet de la joie et de l’insouciance, incarnées par les deux protagonistes, et tout particulièrement par le personnage de John Sims. James Murray fait une excellente prestation, il est naturel, enjoué, candide et heureux – chose d’autant plus touchante quand on sait le destin tragique qu’il va rencontrer quelques années plus tard. Il en est presque agaçant d’insouciance sous ses traits de grand enfant. Cela est compensé par Mary qui, bien que rapidement tombée sous le charme de ce brave bonhomme, montre davantage de signes de sagesse et de maturité. Ce qui est d’autant plus beau dans ce film, c’est qu’il est tout à fait applicable au monde actuel, où rêver fait partie de notre nature, mais où la foule nous submerge et nous intimide par l’hostilité qu’elle dégage.

Mon passage dans le cinéma muet s’achève donc ici, du moins dans le cadre de cette liste-défi. Le cinéma parlant va peu à prendre le dessus et modifier les standards de l’industrie. Néanmoins je l’achève sur une note très positive, grâce à un film optimiste et plein d’entrain, mais qui n’hésite pas à jouer avec nos émotions. Une nouvelle critique réussie de la société de l’époque, quasiment une ironie du sort quand on sait que le jeudi noir va ébranler le monde entier moins de deux ans plus tard…

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le 20 déc. 2014

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