De Catherine Corsini, je ne connaissais que deux films : ‘La belle saison’ qui raconte la romance lesbienne entre une agricultrice et une féministe sur fond de MLF et ‘Un amour impossible’ d’après Christine Angot. J’avais apprécié le premier mais détesté le second. Quand j’ai appris que Catherine Corsini faisait un film sur les gilets jaunes et quand j’ai lu l’accueil critique dithyrambique, j’avoue que je craignais d’aller voir ce film. Eh bien, j’ai eu tort. Le film est une vraie réussite de bout en bout.
Le film raconte une soirée aux urgences de Paris au cours de laquelle se croisent un couple de lesbiennes (Marina Foïs et Valeria Bruni-Tedeschi) dont l’une s’est disloquée le coude en tombant, des gilets jaunes dont Yann (Pio MarmaÏ) et des infirmières (jouées par de vraies infirmières dont Aissatou Diallo Sagna, remarquable). Ici, les fractures sont nombreuses. Celle du coude de Raf, celle entre les deux lesbiennes au bord de la rupture, celle de la société française, celle des gilets jaunes et du personnel médical avec l’Etat.
On pourrait craindre une surcharge de sujets, de dénonciations mais Corsini orchestre son film avec brio. En effet, elle dose chaque élément au gramme près, ne tombe ni dans la démagogie ni dans l’excès de dénonciation qui auraient pu faire tomber le film dans la caricature. Au contraire, elle est à la bonne distance des choses. Le film est étonnamment drôle pour un sujet si grave. Le mérite revient aux deux actrices, dont on connait le tempérament comique et à la réalisatrice qui sait instiller du rythme à son film.
La metteuse en scène pourrait se voir reprocher d’être idéaliste, quand elle montre la relation qui se noue entre la lesbienne bobo et le gilet jaune. C’est son droit ! En réalité, la différence qui les oppose et qui les fait s’engueuler est principalement liée aux préjugés de classes (elle pense qu’il a voté Le Pen car il est prolo, il pense qu’elle a voté Macron car elle est bourgeoise) mais ils se rapprocheront car ils sont dans la même situation (Si Yann est opéré, il ne pourra pas rentrer avec son camion pour faire ses livraisons et se fera donc virer. Raf s’est cassée le coude et ne pourra peut-être plus exercer son métier puisqu’elle est dessinatrice).
La mise en scène est fluide est efficace. La caméra passe de salle en salle pour montrer ce qu’il si passe. Catherine Corsini a su filmer l’hôpital comme l’avait très bien fait Thomas Lilti avec ‘Hippocrate’. Elle montre le personnel débordé, en manque de moyens. On voit très bien le quotidien difficile de ces soignants et on comprend leur colère. L’unité de temps, de lieu et d’action est parfaitement respectée. Rendons également gloire aux comédiens. Marina Foïs est épatante. Valeria Bruni-Tedeschi sait parfaitement jouer les bourgeoises névrosées. Quant à Pio Marmaï qui a tendance à surjouer l’excité, il trouve ici le juste ton. Les personnels médicaux qui jouent leur propre rôle sont également très bien et ont de belles partitions à défendre. ‘La Fracture’ est donc un très bon film. Son sujet ne doit pas faire peur au spectateur.