Alors qu'il s'était éloigné des plateaux de cinéma pour se consacrer aux planches de théâtre durant quelques années, Arthur Penn revient en 1975 avec Night Moves, où il met en scène un détective privé à la recherche d'une jeune fugueuse.


Comme souvent dans les films noirs, l'intrigue passe au second plan et Arthur Penn se concentre surtout sur les personnages, ici un ex-footballeur devenu privé mais surtout qui regarde sa vie et se cherche, voit sa femme s'éloigner et un boulot qui ne lui assure pas forcément un avenir. Tout est dans l'étude de ce personnage, qui voit les échecs défilés jusqu'à dans son enquête. Autour de lui se dresse une galerie de personnages souvent ambigus qui vont se retrouver sur son chemin, lui mettre des bâtons dans les roues ou participer à ses questionnements. Penn met en parallèle l'enquête et la vie privée du détective, ce qui va aboutir à une perte d'équilibre pour lui, cherchant la vérité dans son enquête tout en tentant de comprendre son couple.


Arthur Penn brouille les pistes et, pendant qu'il étudie ce privé, il met en place une ambiance d'abord mystérieuse avant de devenir de plus en plus sombre voire malsaine, notamment lorsque la jeune fugueuse entrera en scène. C'est aussi dans la violence que Night Moves va trouver son salut, et c'est souvent le cas chez Arthur Penn (Le passage à tabac et la final de La Poursuite Impitoyable restent dans les mémoires), que ce soit dans les actes et surtout psychologiquement, à l'image du final à glacer le sang. Tout en plaçant son Night Moves dans la lignée des films noirs, il s'en approprie les codes, livrant une oeuvre tourmentée où les âmes des protagonistes errent dans un monde violent et impitoyable.


Il sait prendre son temps pour mieux apporter de la consistance aux personnages tandis qu'il trouve toujours l'équilibre parfait pour mieux nous immerger au cœur de l'oeuvre, sublimant chaque décor, que ce soit urbain ou non et nous donnant l'impression d'être au cœur des tourments des personnages. Le metteur en scène de Little Big Man se montre toujours d'une incroyable justesse, se montrant sobre derrière la caméra pour mieux faire ressortir la complexité et la richesse des enjeux et personnages et trouvant toujours la parfaite variation entre l'enquête et les répercussions sur sa vie privée. Gene Hackman, pour sa seconde collaboration avec Penn, prouve à nouveau quel immense acteur il était, alliant charisme, fatalité et complexité tandis que les autres acteurs se montrent à la hauteur, tant les jeunes Melanie Griffith et James Woods que Jennifer Warren. Et quel final... Somptueux.


Arthur Penn s'approprie les codes du film noir comme il le faisait avec le western et livre une oeuvre sombre, tourmentée et fascinante avec une totale maîtrise, étudiant un Gene Hackman parfait et troublé entre sa vie privée et son enquête.

Docteur_Jivago
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Plongée dans les polars américains, James Woods, Flic ou Truand, Gene Hackman - Mon Anthologie et Les meilleurs films des années 1970

Créée

le 8 déc. 2016

Critique lue 1.1K fois

19 j'aime

Docteur_Jivago

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

19

D'autres avis sur La Fugue

La Fugue
Docteur_Jivago
9

L'errance d'une âme tourmentée

Alors qu'il s'était éloigné des plateaux de cinéma pour se consacrer aux planches de théâtre durant quelques années, Arthur Penn revient en 1975 avec Night Moves, où il met en scène un détective...

le 8 déc. 2016

19 j'aime

La Fugue
VilCoyote
7

Fugue en ré mineure

Le titre original de cette fugue est "Night Moves", et c'est vrai que les lignes du film bougent surtout sous la lune chaude de Floride et de Californie. Quand on a des choses à se reprocher, la nuit...

le 11 févr. 2013

19 j'aime

La Fugue
oso
7

Introspection en eaux troubles

Marqué par le désespoir typique des 70's, sous ses airs de polar peu nerveux, Night moves cache un portrait d'homme construit avec minutie. A cette occasion, Arthur Penn déverse sur bobine une belle...

Par

le 3 sept. 2014

14 j'aime

6

Du même critique

Gone Girl
Docteur_Jivago
8

American Beauty

D'apparence parfaite, le couple Amy et Nick s'apprête à fêter leurs cinq ans de mariage lorsque Amy disparaît brutalement et mystérieusement et si l'enquête semble accuser Nick, il va tout faire pour...

le 10 oct. 2014

172 j'aime

35

2001 : L'Odyssée de l'espace
Docteur_Jivago
5

Il était une fois l’espace

Tout juste auréolé du succès de Docteur Folamour, Stanley Kubrick se lance dans un projet de science-fiction assez démesuré et très ambitieux, où il fait appel à Arthur C. Clarke qui a écrit la...

le 25 oct. 2014

165 j'aime

49

American Sniper
Docteur_Jivago
8

La mort dans la peau

En mettant en scène la vie de Chris The Legend Kyle, héros en son pays, Clint Eastwood surprend et dresse, par le prisme de celui-ci, le portrait d'un pays entaché par une Guerre...

le 19 févr. 2015

152 j'aime

34