Le titre original de cette fugue est "Night Moves", et c'est vrai que les lignes du film bougent surtout sous la lune chaude de Floride et de Californie. Quand on a des choses à se reprocher, la nuit et son silence font parfois trop cogiter... alors pour éviter ça on trompe son conjoint, on trompe la mort, on trompe la loi. Quitte à aggraver son cas. Gene Hackman campe à nouveau un privé tourmenté, un an après Conversation secrète. Parano associal dans le film de Coppola, le personnage est ici un débonnaire à l'auto-dérision attachante, qui ne s'énerve que quand il le faut. L'enquête a elle un goût d'envers du décor hollywoodien: la commanditaire est une actrice ratée à l'haleine qui crie Jack Daniels, et la fugueuse dévergondée nous entraînera dans le milieu des cascadeurs.
Harry fait le job et progresse dans sa recherche, mais l'intérêt du film ne réside pas dans la complexité de la piste à remonter. Ce qui compte, ce sont les rencontres humaines qui vont jalonner l'affaire, et la résonance qu'elles auront sur les questions qu'il se posait à son propre sujet. Une façon de démythifier le polar, mais sans jouer la carte de la noirceur brutale. Arthur Penn prend au contraire le temps d'installer des rencontres bienveillantes et hospitalières, pour en écailler progressivement le vernis et dévoiler ce qui se cache dessous. Climat de faux-semblants donc, teinté de douce mélancolie.
En bonus: un clin d'oeil à La mort aux trousses, les tout jeunes James Woods et Melanie Griffith, et une vanne sur Eric Rohmer: "I saw a Rohmer film once, it was kinda like watching paint dry."