Ne vous scandalisez pas de mon titre! Cette mocheté de film est titré "The Bitch" dans sa version anglaise. Ceci dit, le titre évoque bien le sentiment que suscite le personnage central (Aline, une jeune femme mystérieuse jouée merveilleusement par Isabelle Huppert dans toute son incandescente froideur) dès le lendemain de sa rencontre fatidique avec un jeune Richard Berry déjà lumineux et crevant l'écran dans ce film méconnu de 1984.
Sabatier (Berry) est un inspecteur de police qui cueille Aline après l'avoir vue se faire éjecter de la voiture qui roulait devant. Aline ne parle pas où que si peu et se montre plutôt chiante pour le bon Samaritain d'inspecteur. Mais Sabatier est émoustillé par la garcerie d'Aline, et de provocation en séduction passive, l'inspecteur doit vérifier un levier dans la bagnole qui fait des siennes. Il arrête la voiture et découvre que le levier, ce n'était rien d'autre que son levier à testostérone qui poussait un maximum, menaçant de faire péter sa braguette et ainsi de l'exposer -littéralement - à une plainte pour exhibitionnisme malgré lui. La solution que trouve Sabatier est de faire descendre Aline et de lui faire inspecter le moteur. Sauf que dans sa hâte d'en finir, il avait oublié de soulever le capot (et la capote), de sorte qu'Aline finit par inspecter le moteur le capot fermé pendant que Sabatier, lui, s'affaire à son problème de levier tout en se penchant sur Aline pour l'aider à l'inspection. Ça,va, ça vient, 3 petits tours et l'affaire est réglée dans une exaltation spontanée. Aline a tant semblé aimer inspecter le capot fermé qu'elle en embrasse à bouche que veux-tu Sabatier, lequel ne se doute aucunement de la suite. Bref, le film commence vraiment quand Sabatier est accusé le lendemain par les beaux-parents d'Aline, une pauvre orpheline, et mineure, la pauvre, par surcroît, semble-t-il, du viol de leur protégée. Aline a ce regard impitoyable, frigorifique, que sait si bien projeter Isabelle Huppert, de la victime véritable, alors que le consentement ne faisait aucun doute quant à l'acte commis la veille. D'où la désorientation du spectateur, d'ailleurs.
Sabatier écope de 6 ans, après une affaire expédiée qui nous rend empathique à l'endroit de Sabatier, en dépit de l'ambiguïté de l'inspection à capot fermé...
La garce suivra ensuite la lente, systématique vendetta personnelle de Sabatier après sa libération. Il est convaincu qu'il a été eu. Pourquoi aurait-elle feint le consentement, pour que l'inspecteur se retrouve ensuite en taule ? Qui avait intérêt à ce qu'on le retire de la circulation et de ses fonctions policières? L'atmosphère qui baigne le film ressemble un peu à celle de films noirs tels Le grand sommeil d'Howard Hawk (avec Humphrey Bogart et Lauren Bacall) par la complexité de l'intrigue, quand ce n'est pas une mystification délibérée en ne livrant que des informations tronquées. On passera par la gamme complète des embûches typiques de ce genre de saga personnelle du limier seul contre des forces mystérieuses qui ne livreront leurs secrets que de menaces en règlements de compte, de séductrice en enjôleuse, de faux frère en ex-amant ou ex-mari, de trahison en repentance, etc. En cela, La garce ne brille pas par son originalité et suit le manuel du noir typique en reprenant un type de scénario éprouvé. Ce qui n'aurait pas été une faute si terrible si le film avait été servi par un scénario plus serré comportant moins d'incohérences et de fils qui n'aboutissent pas, ou s'il avait été mieux servi par une interprétation plus captivante. Hélas! Berry n'était pas encore prêt à porter un rôle aussi central sur ses seules épaules encore novices. Il ne parvient pas à communiquer clairement ses émotions et à bien nous transmettre l'angoisse du type qui en a bavé autant pour cette garce. Seuls des paroxysmes marquent parfois les actions/réactions de Berry/Sabatier. Quant il est témoin que l'innocente Aline flotte sur un iceberg de fausses apparences, il ne se possède plus et envoie promener les seuls appuis grâce auxquels il a pu avoir un job qui lui permette justement de mener sa petite enquête. Le reste du temps, il semble se guider au radar des jours, et se montre tout aussi impassible que Huppert, dont, on le sait, c'est la spécialité de jouer les frigos à silhouette pulpeuse et à seins givrés.
La faiblesse de ma note, en somme, est due à un scénario qui aurait nécessité de très nombreux resserrements avant d'être scellé. On reste trop souvent en suspens sur des détails jamais expliqués. Et ce 5/10 va aussi à des protagonistes qui ont été excellents ailleurs et dans d'autres genres que le noir. Peu doués pour ce genre policier au moment où ce film fut réalisé, La garce est un film malheureusement artistiquement inachevé, et qui avait un plus grand potentiel. Dommage, car sa metteure en scène, l'actrice Christine Pascal, verra sa carrière écourtée impitoyablement par la maladie.