Durant mon visionnage de La Garçonnière de Billy Wilder, je me suis demandé si ce film était en avance sur son temps ou s'il avait contribué à véhiculer un des clichés les plus énervant du cinéma hollywoodien.
Côté Face : #balancetonporc
Moi qui pensait, comme un couillon contemporain que la série Mad Men dénonçait les travers du patriarcat dans la société des années 60, je m'aperçois que tu étais déjà dénoncé en filigrane dans les films de ces années là. Le parallèle entre les deux est d'ailleurs saisissants : les mêmes vastes bureaux, les mêmes cadres "tête de con" qui se croient faire partie d'une élite supérieure, le même système de favoritisme (non seulement Baxter monte en grade en accordant une faveur aux cadres mais en plus, il est mentionné que la seule personne qui est aussi vite monté en grade était... le fils du P.D.G.) et même toute puissance de l'exécutif qui peut mettre quelqu'un à la porte sans sommation.
Et aussi, même façon de montrer la pauvreté de la condition féminine. En effet, à l'époque, le seul moyen de s'élever socialement était de faire un bon mariage et les cadres n'hésitent pas à cocufier à tout-va en faisant promettre à leurs amantes qu'ils vont divorcer. A l'exception de Baxter et de son voisin médecin, il n'y a pas un seul gars qui soit sauvable : les collègues de boulots sont tous des forceurs, menteurs et grossiers, qui traitent les femmes comme des sacs et n'hésitent même pas à coller des mains baladeuses, le beau-frère de Fran est un macho à l'ancienne qui préfère frapper que d'écouter calmement...
... et Sheldrake est le pire de tous, n'ayant strictement rien à foutre qu'une femme tente de se suicider pour lui, manipulant tout le monde et tirant toujours le meilleur parti de chaque situation.
A côté de ça, les femmes sont des personnages positifs : Fran est drôle, touchante et n'hésite pas à moquer publiquement un supérieur lui ayant collé une main baladeuse. Miss Olsen, que l'on prend pour une commère vacharde s'avère finalement être celle qui va débloquer la situation par deux fois :
En annonçant à Fran qu'elle n'est qu'un maillon dans une longue chaine de femme trompée, puis en se dévoilant le pot-au-rose à la femme de Sheldrake. Pour un personnage secondaire, elle est franchement active.
Dans le film, les femmes n'ont le malheur que d'être structurellement en position d'infériorité dans un monde peuplé d'hommes et c'est en ça que le film est fort : Il montre que le patriarcat est un système donnant des avantages tellement illimités que les hommes de pouvoirs auraient tort de s'en privé. Et à la lecture de certains témoignages dans les milieux hollywoodiens suite à l'affaire Weinstein ou dans les #balancetonporc, il est assez grinçant de voir que presque 60 ans après ce film, les choses n'ont quasiment pas évoluées.
Côté Pile : C.C. Baxter ou La naissance du "Good Guy." :
Plus on se pose la question, plus on s'aperçoit que la morale des films hollywoodiens s'est construit sur un message implicite qui en est devenu : "si tu es super gentil avec la fille que tu aime, elle finira par tomber amoureuse de toi." Dans la vraie vie ça n'est pas si vrai et ça a donné lieu au concept de "Friendzone" avec tout ses travers : de celui qui est éternellement vu comme un "bon copain" par toutes les personnes envers lesquelles il est attiré sans jamais être sexualisé, au gars qui devient gentil par calcul pour "chopper." Bref, on a toute un tas de gens calquant leur modèle de séduction sur ce qui n'était qu'une facilité scénaristique pour donner un happy end au film.
Et Baxter en est l'archétype du "gars gentil qui finira par avoir la fille" : célibataire endurci, malheureux en amour et rêvant d'une fille jugée "inaccessible". Et il est gentil à l'extrême, limite "bonne poire" : il remplit l'appartement d'alcool pour les gens qui vont squatter chez lui, se paye un rhume et une réputation de noceur à la place des autres. Alors, certes son action est loin d'être désintéressée et fini par payer, mais il y a des moments où cela le dessert et où il le fait par pur gentillesse
(laisser croire à ses voisins qu'il est un salaud le soir de noel, appeler l'amant de la fille qu'il aime pour que celui-ci vienne la récupérer, etc...)
Mais le pire reste surtout dans ce dialogue avec Fran où après l'avoir invitée au cinéma, il lui explique qu'il sait tout d'elle, car il a lu sa fiche d'assurance et l'a apprise par coeur. Et elle de dire "ok" joyeusement face à ce comportement qui ferait passer le plus gros des stalkers creepy pour un petit joueur. Si le film voulait dire "c'est pas grave de fouiller la vie privée du moment que c'est pour pécho" il ne se s'y serait pas pris autrement.
Tranche : J'ai adoré ce film !
Je n'attendais rien de ce film, il était même pas sur ma liste des "classiques du cinéma à rattrapper" et je me suis pris une claque.
Malgré mes réticences quant aux actions du personnage principal, celui-ci dégage une sympathie, une drôlerie qui nous le met immédiatement dans la poche. Le casting est parfait, Shirley McLaine a ce côté pétillant et simple qui fait qu'on comprend immédiatement l'attirance qu'à Baxter pour elle et Fred McCurray joue impeccablement les parfait salaud.
Mais surtout, c'est hyper-bien-écrit. Que ce soit au niveau des péripéties, des personnages que des dialogues, qui sonnent tous justes, avec des réparties bien senties, des jeux d'échos, des phrases cultes. (Cette réplique de fin est juste géniale.) J'aime aussi qu'après une heure de péripéties marrantes principalement basée sur le personnage, le film prend un tour plus noir, plus "sérieux" avant de revenir sur quelque chose de plus léger.
Ni trop cours, ni trop long, c'est le genre de film où chaque ingrédient fonctionne impeccablement.
Impeccable.