Billy Wilder est un orfèvre de la mélancolie. Celle ici du monde du travail, de la société du pouvoir qui organise les êtres. C’est en quatre lieux (les bureaux, un restaurant, une entrée immeuble et un appartement) que ce chef d’œuvre nous conte la fable terrible, et toujours vivace, de celles et ceux qui ne sont que la projection d’un fantasme mercantile. Les hommes sont de la pire espèce, leurs mains sont baladeuses, leurs rires gras et leur lâcheté exemplaire. Les femmes tentent d’exister, prisonnière du regard des autres, n’ayant pour fuir leur propre aliénation que le suicide ou l’alcool. Pourtant c’est un film drôle car l’humour est la politesse du désespoir et que l’auteur de ce chef d’œuvre sait qu’il n’y a pas de rire plus profond que celui qui se trouve au bord des larmes. Je crois pouvoir dire que c’est un film qui change la vie. C’est la rencontre de Playtime et de Shop Around The Corner. C’est une histoire qui dit la beauté de s’extraire du système, de faire un pas de côté, et de devenir, par l’amour, un « mensch », c’est-à-dire un être humain.