La Gloire de mon père par pierrick_D_

En 86,Claude Berri avait triomphé en produisant et réalisant une adaptation ciné en deux parties de "L'eau des collines" de Marcel Pagnol,célébrissime écrivain et cinéaste marseillais dont les oeuvres n'étaient plus portées à l'écran depuis une vingtaine d'années.Le succès de "Jean de Florette" et "Manon des Sources" éveilla donc la convoitise d'Alain Poiré,le patron de la Gaumont,qui choisit les "Souvenirs d'enfance" de l'auteur pour en utiliser les deux premiers romans,"La gloire de mon père" et "Le château de ma mère".Le hic,c'est qu'il s'agit,contrairement à la fiction qu'est "L'eau des collines",d'une simple chronique autobiographique,et que de surcroît la jeunesse de Pagnol fut assez calme et sans grand relief,ce qui n'est pas très payant cinématographiquement.C'est très intéressant à lire certes,grâce au style et à la faconde poétique du romancier,mais de là à en faire deux films....Cependant la hype Pagnol,quatre ans après les Berri,n'était pas encore retombée et le diptyque de la Gaumont fit le carton espéré.C'est Yves Robert qui s'y colle en tant que réalisateur et scénariste,le script étant coécrit avec Jérôme Tonnerre et le fameux écrivain niçois Louis Nucera.Cette laborieuse évocation d'une enfance ordinaire se révèle aussi fastidieuse qu'on pouvait le craindre,et le film doit pour le soutenir avoir recours à une pénible voix off,celle de Jean-Pierre Darras en l'occurrence,et à une musique pompière de Vladimir Cosma.Une suite tristounette de vignettes illustratives nous narre la rencontre de l'instituteur Joseph et de la couturière Augustine,leur mariage et la naissance de leur aîné,Marcel,puis le déménagement d'Aubagne à Marseille,où l'instit est muté,et l'arrivée de Paul,leur deuxième fils,pendant que Rose,soeur d'Augustine et vieille fille,trouve enfin chaussure à son pied en la personne du truculent Jules,fonctionnaire préfectoral sur le retour.On le voit,tout ceci est passionnant et Robert tente d'animer un peu le spectacle en forçant méchamment sur le folklore provençal,avec des personnages excessifs qui gesticulent et en font des tonnes.Ca se réveille notablement dans une seconde partie consacrée aux vacances de la famille dans l'arrière-pays marseillais.C'est là que le jeune Marcel va découvrir la nature,le sentiment de liberté et qu'il va se mettre à juger des qualités et des défauts de son paternel.Le bon côté de l'oeuvre est qu'elle nous plonge dans un monde disparu,celui du début du 20e Siècle.Ce n'est pas si loin,120 ans environ,et ça parait pourtant remonter aux calendes grecques.Tout était différent alors,à commencer par Marseille,à l'époque une ville propre et sûre où il faisait bon vivre.Le progrès était en marche mais pas encore répandu universellement,le gaz et l'électricité arrivaient tout juste dans les foyers,les automobiles étaient rares et les campagnes étaient véritablement isolées,avec les avantages et les inconvénients inhérents.Les Pagnol devaient se taper des kilomètres à pied ou en carriole hippotractée sur des chemins de terre escarpés,mais quel bonheur d'atteindre la Bastide Neuve,cette maison nichée au coeur du Massif du Garlaban,à quelques encâblures du pittoresque village de La Treille aujourd'hui avalé par la métropole et devenu un quartier de la cité phocéenne.Les paysages sont sauvages et magnifiques,et les habitants du coin,il n'y avait pas de supermarchés à l'époque,vivent de la chasse,du braconnage,de la pêche et de la cueillette.Une existence rude que le Progrès tant vanté par Joseph,adoucira lors des décennies suivantes mais en détruisant en même temps tout un art de vivre.Difficile en tout cas d'imaginer qu'on est à la veille de l'immense boucherie de 14-18 qui viendra annihiler cette dolce vita et emportera parmi tant d'autres Lili des Bellons,le jeune paysan dont Marcel s'était fait un ami lors de ses errances dans la garrigue,et qui tombera à 20 ans en juillet 18 dans la Marne.Marcel apparait comme un vrai petit connard et son père est un pathétique baltringue d'enseignant socialo bouffeur de curés.Ceci dit,c'est aussi un de ces hussards de la République qui croyaient aux vertus de la culture et transmettaient vraiment le savoir à leurs élèves.Inutile de préciser que ça surjoue à mort,Philippe Caubère et Didier Pain cabotinent allègrement,Nathalie Roussel et Thérèse Liotard minaudent stupidement,les enfants sont tous nuls et d'excellents seconds rôles comme Pierre Maguelon,Paul Crauchet,Michel Modo,Jean Rougerie ou Victor Garrivier font de la semi figuration,tout le monde peinant à imiter l'accent provençal.