Marcel Pagnol est un fabuleux conteur, mais est-il nécessaire de le porter au cinéma ? Avouons que telle était l’intention initiale de Pagnol, qui céda les droits de ses récits autobiographiques au jeune Yves Robert. Ce dernier ne réussit à les tourner que trente ans plus tard.
Le Gloire de mon père est l’histoire d’une enfance joyeuse, de l’admiration inquiète d’une enfant pour son père instituteur, à la découverte émerveillée des garrigues provençales. Pagnol enchante sa terre natale, celle de Daudet, Giono et Mistral.
C’est beau. C’est parfait. Nous sommes en 1900. La reconstitution est somptueuse, les tenues des écoliers et des gendarmes, le gaz d’éclairage et les premiers téléphones, l’écriture à la plume sur les cahiers et à la craie sur le tableau noir. Joseph, le père du petit Marcel, est un enseignant fier de son métier, un hussard noir de la République triomphante. Il croit au progrès, à sa mission et aux lendemains qui chantent.
Qu’est-ce qui me chiffonne dans ce spectacle ? C’est trop beau... La réécriture idéalisée d’une enfance heureuse – une mère aimante, une famille unie, une école solide, des braconniers sympathiques, un curé généreux, jusqu’aux bartavelles qui viennent se jeter sur les chevrotines paternelles – passait parfaitement dans un livre. Elle est plus difficile à porter à l’écran.
L’appartement des Pagnol est trop grand, Marseille trop riche, les gendarmes trop débonnaires, le tout est aseptisé. Au même moment, la Troisième république colonise à outrance. Elle a manqué de déclarer la guerre aux Anglais à Fachoda et prépare hardiment sa revanche contre les Boches.
Ceci mis de côté, laissez-vous émouvoir par le geste exalté d’un jeune garçon, conté, des années plus tard, par un adulte attendri : « Et dans mes petits poings sanglants d’où pendaient quatre ailes dorées, je haussais vers le ciel la gloire de mon père en face du soleil couchant. »