On the yellow brick road...
Lego et le cinéma, c’est finalement une vieille idée. Les célèbres « brickfilms » qui remplissent la toile rivalisent depuis des années d’inventivité à grand coup de parodies souvent désopilantes et, fait intéressant, en provenance d’amateurs autant que de professionnels. En effet, avec un appareil photo numérique et un PC, rien de bien sorcier à faire son petit film en stop-motion, à condition d’avoir un peu d’imagination. En 2005, c’est via les consoles de jeux que se poursuit l’aventure cinéphile des célèbres petites briques, avec le succès phénoménal bien mérité de « Lego Star Wars ». Entre les différents niveaux, le joueur découvre des cinématiques très fluides mettant en scène les personnages de la saga de George Lucas. Une pléiade de mini sketchs dotés d’un implacable sens de l’humour, lequel est devenu depuis la marque de fabrique des nombreuses productions conjointes Lego/TT Games. L’arrivée dans les salles obscures d’un long métrage animé entièrement composé de Lego est donc plus que logique.
Pourtant, le projet était plus risqué qu’il n’y paraît. Ce qui faisait mouche en quelques minutes pour un public geek n’allait pas forcément passer l’épreuve du passage au grand écran, avec toute l’écriture que cela demande, sans même compter les ambitions graphiques forcément revues à la hausse. La bonne nouvelle c’est que le film de Phil Lord et Chris Miller (« Tempête de boulettes géantes », beaucoup moins bon) fonctionne très bien, autant visuellement que sur le fond. Les clins d’œil à la culture pop que l’on attendait sont omniprésents et l’on voit ainsi une nouvelle utilité aux accords noués avec tout ce qu’Hollywood compte de franchises. Batman, Superman, Green Lantern, Dumbledore, Gandalf… Ils sont tous là et plutôt bien intégrés à la trame générale. Le piège du film à sketchs a donc été évité. Et c’est là la réussite principale du film : conjuguer ce joli emballage geek ultra-référencé à une histoire de monde totalitaire très orwellienne dans laquelle l’anti-héros Emmett, personnage « normal » par excellence (mais sans casque, lui), découvre les pouvoirs de l’imagination débridée et les vertus de la transgression. C’est plutôt rusé de la part de Lego, car la firme arrive ainsi à mêler un plaidoyer pour l’imaginaire, un hommage à l’enfance et… un message marketing. Car il ne faut pas non plus être dupe, le film est avant tout porté par une démarche commerciale, mais il arrive à mettre au même plan les enjeux artistiques. La dernière séquence (qui mêle images en prises de vues réelles et animation) résume les trois objectifs avec talent.
« La Grande Aventure Lego » est donc un divertissement très sympathique qui aligne les bonnes idées. Pour autant, il aurait sans doute gagné à être encore plus innovant sur le fond (rien à dire sur la forme), en prenant des chemins narratifs un peu moins convenus. Ce qui le différencie de « Toy Story », contrairement à ce qu’on peut lire ici ou là… Le film semble en effet largement surestimé jusqu’à présent, preuve que Lego a parfaitement réussi son plan : raviver la flamme nostalgique pour les briques chez toutes les générations.