Voir Rome... et puis pourrir
Critique à chaud d'un film qu'il m'est difficile de critiquer, car j'ai l'impression de ne pas avoir saisi un certain nombre de scènes et de références.
"La Grande Bellezza" m'a fait l'effet d'une "Dolce Vita"... en mieux (NB : je précise que j'ai foncièrement haï la "Dolce Vita" de Fellini.). Le cadre est Rome, une fois encore, la Ville Eternelle, bien qu'elle n'arrive toujours pas m'émouvoir plus que ça... Le thème ? La vacuité de l'existence, la dissimulation compulsive et grégaire du néant par le bruit. Si Sorrentino m'a davantage plu que Fellini, c'est sans doute en grande partie grâce à Jep Gambardella, le personnage principal, et son interprète Toni Servillo (cela dit, Marcello Mastroianni était déjà très bon dans la "Dolce Vita"). Jep a la véritable classe, trait propre à certains Italiens. Toutes ses actions et ses paroles sont soutenues par cette distinction naturelle.
Le film de Sorrentino évoque avec un humour certain et élégant la médiocrité des mondanités et snobismes de cette "haute" société inconséquente. On pensera bien entendu aux nombreuses scènes de "fête" (concours de vulgarité et de bestialité), mais aussi aux scènes moquant les prétendus "artistes" (Talia Concept) et surtout des prétendus "amateurs d’art" (comme l’illustre merveilleusement la scène de la petite fille déchaînant sa colère sur la toile).
Cet aspect du film donne un écho particulier à mes propres sentiments sur ces questions.
Rome semble être le lieu propice au pourrissement sempiternel de ces êtres qui ne savent pas ce qu’ils sont, qui ils sont, ce qu’ils font, ce qu’ils doivent être, faire, penser, dire… Tout du long de ce film, Jep les observe jouer la comédie de leur non-vie, non pas avec cynisme, ou avec mépris moralisateur, mais avec un détachement sobre et réflexif. Après tout, ne fait-il pas partie de cette farce ? N’en est-il pas même l’acteur principal ? Bien difficile, au milieu de ce vacarme de paresse et d’inconséquence, de trouver la véritable beauté, la véritable étincelle qui saura rallumer le feu de la foi, la conviction de faire ce que l’on fait.
Pourtant, malgré cette peinture lucide et parfois lumineuse, "La Grande Bellezza" m’a relativement déçu par un certain nombre d’aspects. Hélas ! Je n’ai point compris un grand nombre de scènes, dont j’avais l’impression qu’elles n’apportaient rien, ou ne se rattachaient pas au reste. Je suis généralement mauvais pour trouver des sens cachés, donc il vaut mieux que je m’abstienne de commentaires qui flirteraient avec l’ineptie. De même, à part Jep, aucun personnage ne retient l’œil, l’intérêt, la sympathie… Ni les amis de Jep, ni Dadina, ni Ramona, ni le cardinal, ni Sœur Maria… Pourtant certains semblent relativement importants dans l’histoire, de ceux qui entourent Jep. Mais rien n’y fait : le seul intérêt de ce film (déjà conséquent, à défaut d’être sublime), c’est Jep et sa vision des choses.
Voir Rome et puis pourrir, donc. Tel me semble l’alpha et l’oméga de ce film.
Depuis plusieurs mois, le 6 sur SC semble être la note que j'attribue "par défaut" à ces films dont je sens qu'ils sont plus intelligents ou plus profonds que les autres, qui ne me déplaisent pas, mais qui ne m'exaltent pas non plus. Ainsi soit-il.