En fêtes, tu es un garçon plutôt triste


Au fond, quoi de plus lugubre qu’une fête ? Attention, je ne parle pas d’un soirée improvisée entre pote ou une bonne bouffe en nombreuse compagnie. Encore moins de l’apéro qui dégénère.
Non, je pense à ce machin suffisamment prémédité pour permettre une invitation, une organisation, une sono et pourquoi pas, un ou deux moments savamment mis en scène. Comment reprocher à certaines œuvres l’abus des fameux clichés quand autant de moments de nos vies en sont à ce point pourvus ? A l’instar des rires pré-enregistrés, la fête programmée -le mariage, l’anniversaire, le changement d’année- provoque en moi ces moments d’angoisse pendant lesquels je cherche fiévreusement le regard de celui qui subit le même ennui sidéral, la même profonde incompréhension face à ces rassemblements humains festifs et dénués de toute forme de réelle surprise, d’improvisation et de sincérité. Au cours de ces raouts béats, de ces antichambres de la mort, je fais parti de ceux qui ne boivent pas pour partager et fêter mais pour oublier la ou ils se trouvent.


Les stakhanovistes de la teuf, les forcenés de la soirée musicale arrosée, bavarde et clinquante, fascinent depuis toujours, et presque tous les films qui ont tournés autour de ces curieux oiseaux nocturnes ont toujours avant tout parlé de vide et de désespoir.
Bien entendu, avant Paolo Sorrentino, un ou deux illustres prédécesseur avaient investi ce terrain.


Fellinien…te


Choisir de réaliser un film à ce point artificiel, composé et référencé est un sacré pari.
Faut-il se sentir sûr de soi pour choisir une telle direction. Les écueils sont si nombreux qu’évidement, ils sont nombreux à ne pas être évités. La recherche permanente du bon plan impose le déchet. Là où le maître de Sorrentino (Fellini) était coutumier de la fulgurance poétique tétanisante, l’ami Paolo impose un exercice de style permanent et il faut bien avouer que le coup ne réussit que parfois, par la bande.
Dans l’interstice.
Il faut rester attentif pour capter un moment de grande beauté (celle que Jep attend depuis 40 ans ?) entre deux moments purement démonstratifs taillés à la tronçonneuse dans de grands travellings assommants, au milieu de pesants décors de pub (filmer Rome n’est donc pas aussi simple que Federico nous l’avait fait croire) ou entre deux scènes de filles nues balançant avec ostentation leur splendide cambrure sur un rythme de techno paresseuse.


Belle gueule, jolie coupe Gambardella


Reste que sous la dure carapace du critique scrupuleux et entièrement dévoué à ses lecteurs tant aimés, je reste une chose tendre et fragile, susceptible d’être ému par des petits riens. Au milieu d’une foultitude de détails irritants ou inutiles, le personnage de Jep a su trouver une place dans ma bienveillance. Au delà de la sympathie instinctive que m’a inspiré Toni Servillo, son personnage, dont la misanthropie apparente et l’apprêté des rapports spectaculaire cache un désespoir mélancolique (et une incommunicabilité pathogène), promène une bonhommie apparente qui contraste fortement avec ses prises de positions, le plus souvent guidées par la certitude qu’à 65 ans, on ne peut plus perdre de temps avec les choses qu’on a pas envie de faire. Qui ne suivrait pas un si judicieux précepte ?


week-end à Rome artificiel


Il y a plus de 20 ans, un de mes profs d’histoire ancienne ne cessait de répéter qu’il fallait « se méfier du gigantisme trompeur des ruines romaines ». Je crois qu’on peut facilement transposer cette idée dans le domaine cinématographique.

guyness

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