Le plaisir de mourir
(Attention, critique susceptible de contenir des spoilers) Marco Ferreri est un réalisateur que j'admire beaucoup, tout autant pour sa détermination à dépasser sans cesse les frontières posées...
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le 29 oct. 2010
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La Grande Bouffe fait partie de ces films subversifs dont l'intérêt repose moins sur le visionnage que sur les discussions qu'il offre. J'ai vu ce film pour me dire que je l'avais vu, et je n'en ai pas tiré plus. L'essentiel se trouve dans son synopsis et dans sa simple existence. Il s'agit d'une bande de 4 amis bourgeois qui se retrouvent pour s'empiffrer de chair, dans les deux sens du terme. Cette obsession ira bien au-delà de la faim et du raisonnable, les menant lentement à une apocalypse.
Il est bien normal d'être choqué par ces démonstrations de vulgarité qui dénotent avec les manies d'intellectuels des personnages. Leurs blagues sont du plus mauvais goût, à base de scatophilie ou de beauferie, et leur rapport à la nourriture, pourtant raffinée et préparée par Fauchon, est écœurant. Mais il serait bien hâtif d'attribuer cette grossièreté au film alors qu'il ne joue que le rôle de témoin. Car c'est bien l'obscénité réelle des bourgeois qui perdent le sens de la mesure qui est pointée du doigt et exacerbée. Quand la viande si précieuse est gâchée par infantilité et que l'on se sert de n'importe quoi en n'importe quelle quantité, nourriture comme chair humaine, sans la moindre décence, uniquement parce qu'on le peut et qu'on ne souhaite pas que les bonnes choses s'arrêtent, on obtient une image très repoussante et pourtant assez juste. Le film a bien joué son rôle pour transmettre cette immaturité et ce dégoût.
Mais cela ne veut pas dire que j'ai apprécié de voir ce film. Ce n'est pas un problème de rejet, il ne m'a pas viscéralement révolté bien que je ne me sentais pas tout à fait dans mon assiette à la fin. C'est juste que je l'ai trouvé chiant. Une fois qu'on connaît le programme, le film ne devient rien de plus qu'un marathon, le même que celui que s'imposent les personnages. On est autant gavé qu'eux par ce défilé de plats et de scènes de fesses. L'air au piano m'a l'air d'avoir été spécialement utilisé pour nous lasser, nous faire ressentir l'exaspération d'une situation qui refuse de s'arrêter même après avoir largement dépassé le seuil de l'acceptable. C'est un processus pour nous faire ressentir ce que souhaite le réalisateur. Il est assumé et efficace, il participe totalement à l'expérience voulue de gavage. Donc en terme d'expression artistique, c'est une réussite. Tout le film reste cohérent avec sa démarche et son propos acide a du sens. Mieux encore, le film a une vie après le visionnage (et même sans visionnage), il constitue un sujet de réflexion et ne tombera pas dans l'oubli. Si j'étais critique sur un journal ou un site de cinéma, je lui mettrais une bonne note pour cette raison. Mais je suis un simple spectateur et je pense que j'aurais pu m'épargner le film. J'ai l'impression de me l'être infligé plus pour son apport culturel que par plaisir, alors que sa réputation se suffit à elle même. Je me suis vraiment ennuyé, seules deux scènes m'ont réveillé : une scène "d'explosion" et un passage triste vers la fin, quand la désillusion éclate et que tous les efforts artistiques sont gâchés par les envies d'en faire trop.
La Grande Bouffe est un film qui a sa place dans le paysage cinématographique, mais pas dans ma télé. Il est important de le connaître, mais pas spécialement de le voir. Son programme ne vous fera pas passer un bon moment. Il pourra vous enrichir, mais il y a moyen d'en profiter sans devoir passer d'épreuve. Je respecte le film, mais j'aurais largement pu m'en passer.
Créée
le 19 juil. 2016
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