Heureux temps où je ne connaissais pas les films de Jean-Pierre Mocky et où je les découvrais pour la première fois! Un cycle à la télé, sur TV6 ou la Cinq, je ne sais plus : il y eut La cité de l’indicible peur, Un drôle de paroissien, La grande lessive et L’étalon. Ce fut une explosion, une liesse cinéphile pour moi!
Le cinéma de Jean-Pierre Mocky ne ressemble à rien d’autre qu’au cinéma de Mocky. À la fois bête, méchant, foutraque, mal foutu, joliment croqué, poétique, naïf, subversif, forcément drôle, c’est un spectacle unique que je goûte de temps en temps en souvenir de cette première fois festive, pleine de joie et de sourires.
La grande lessive est sans doute une des rares productions de Mocky en couleurs qui me touchent même sur le plan visuel. Je lui préfère d’habitude ses films en noir et blanc. Ce film-là est doté de couleurs très légères, comme de la pastel. C’est délicieux à voir. Ce sera aussi le cas avec L’étalon. Par la suite, l’enchantement esthétique s’estompera.
Aussi étrange que cela puisse paraître, je crois vraiment que la direction d’acteurs de Mocky donne une plus-value au jeu des comédiens. Entendons nous : je suis d’accord que la manière un peu guindée de certains personnages, le jeu ampoulé ou bien figé d’autres, peut paraître si peu naturelle, voire même complètement artificielle et qu’elle est susceptible de rebuter beaucoup de spectateurs, a priori. Mais en fait, à la longue, ce jeu bizarroïde correspond parfaitement au monde dans lequel nous plongent l’histoire et les personnages. Cela fonctionne très bien avec cette mise en scène qui semble improvisée ou mal conçue et exécutée à la va-vite. La tonalité, l’atmosphère qui s’en dégagent produisent un spectacle saisissant, captivant comme un rêve éveillé. Les acteurs peuvent soit sous-jouer, soit sur-jouer, cela n’a plus d’importance. Au contraire, cela relève encore cette impression onirique de conte vaguement moral dont les conventions sont un peu bousculées.
L’ensemble est donc un tout qui n’est pas dénué de cohérence, maitrisé dans sa démesure, balisé dans sa nimportenaouakerie. Et au milieu de tout cela : une flopée d’acteurs tout à leur joie évidente de participer à un festival délirant de gags plus ou moins drôles. Sans compter les gueules pas possibles qu’est allé dénicher Mocky pour ses figurants, comme à son habitude.
Seul Mocky aura su tirer de Bourvil ce type de personnage farfelu, habité par un idéal, rêvant comme un enfant à un monde meilleur et courageux devant la triste adversité. Ce personnage est dans la lignée de tous ceux qu’il jouera pour Mocky, obsédés par une idée opiniâtre et jusqu’au-boutiste un brin anar comme il se doit.
A ses côtés, Francis Blanche reste malgré tout d’un grand naturel, très juste dans ses intentions. Son personnage est complètement fou, mais il parvient à nous en livrer une incarnation presque réaliste.
J’adore également le rôle de Jean Poiret, acteur incommensurable, qui ne cesse de me fasciner et de m’émouvoir : très grande admiration!
On s’amusera également de la déglinguerie qu’arrive à proposer Michael Lonsdale pour son petit rôle. Et Dieu sait que le champ sémantique lié à la déglingue parait a priori aux antipodes de la personnalité de Michael Lonsdale. Il fallait bien l’imaginaire foldingue de Mocky pour faire la connexion.
La grande lessive n’est pas mon Mocky préféré (il y en a deux ou trois que je place devant), mais je le trouve encore très charmant. Quelques scènes très “portes qui claquent” étouffent un peu enthousiasme, mais d’autres le réveillent sans peine et finissent d’emporter la mise. Un encore très bon Mocky, quoi!
Captures et trombi