Entre film historique et comédie dramatique, La Grande Pagaille s’adresse surtout à un public populaire avec un message moraliste dans un beau noir et blanc teinté de réalisme social.
Difficile de définir le genre de La grande pagaille : la comédie d’abord, indissociable de Sordi - voire une esquisse de farce avec le couple clownesque qu’il forme avec son protégé et tête de turc Ceccarelli (Serge Reggiani) ; le drame, avec la mort, d’abord évitée, non pas pudiquement tue mais peureusement détournée, avant que l’on s’y confronte, quoique sans grande gravité ; le drame historique enfin, avec cette incontournable guerre en toile de fond, présente comme le fatum dans la tragédie, bien que dissimulée derrière une fausse légèreté ; enfin le réalisme social, a fortiori, peint par petites touches parsemées de ci de là.
Grande pagaille donc, autant pour les personnages au milieu de la grande guerre, pris dans l’absurde et l’incohérence des évènements, que pour le spectateur qui ne sait pas bien s’il doit rire, avoir peur ou pleurer, passant d’une émotion à une autre comme les soldats à l’époque, comme le prouve Sordi, comique amputé de son arme fatale, l’humour. Celui-ci, sous le personnage du Lieutenant Alberto Innocenzi qu’il campe, représente l’homme du peuple, fourbe, lâche et couard, tout sauf innocent, inquiet de son sort personnel plus que de celui de sa nation et de ses compatriotes, acceptant l’autorité liberticide de l’envahisseur sans se révolter, comme on le lui fait remarquer, à l’inverse du jeune nordiste se sacrifiant pour une belle juive avant que tous les passagers du bus où il était ne s’enfuient bassement ou des jeunes napolitains dont le soulèvement populaire met en déroute l’occupant.
De belles scènes essaiment le film, grâce en partie à un beau noir et blanc signé Carlo Carlini (collaborations avec Rossellini, Fellini ou Pietrangeli entre autres), comme d’autres, moralisatrices et un peu trop simplistes.