Il suffit parfois d'un film pour comprendre que le cinéma vient de révéler un grand talent. Ce fut le cas avec Sexe, mensonges et vidéo de Steven Soderbergh et la quasi certitude d'avoir découvert un réalisateur dont il serait délectable de suivre la carrière au fil des années. Objectivement, Soderbergh, malgré quelques coups d'éclat, n'a pas su ni sans doute voulu devenir l'un des plus grands cinéastes de sa génération. Prenez La grande traversée, un film intelligent, assez subtil, mais dont le thème est plutôt ténu et pas entièrement traité et vous aurez une bonne idée de la relative déception qui est quand même assez souvent de mise avec le réalisateur de Traffic, surtout ces dernières années. Le sujet principal ne parlera pas à tous mais il aurait pu être intéressant : la manière dont un écrivain (une romancière en l'occurrence) se nourrit de la vie de ses proches pour alimenter son œuvre, sans se rendre compte qu'elle peut blesser durablement ses modèles. Sur ce même sujet, l'auteur israélien Eshkol Nevo a d'ailleurs écrit un roman remarquable, par ailleurs hilarant. Ce n'est pas vraiment le cas de La grande traversée qui est constitué principalement d'une multitude de conversations entre différents personnages, qui ne sont pas toutes palpitantes, loin de là. La majorité des scènes se déroulant à bord d'un paquebot, c'est un peu La croisière discute, et il n'est pas question qu'un iceberg quelconque vienne mettre un peu de piment à l'affaire. Comme Soderbergh a un sens du rythme inné et a soigné son montage, l'on ne s'ennuie pas totalement et l'on sourit un peu avant d'être surpris par le coup de théâtre final. Et l'on a tout le temps d'apprécier le jeu de Meryl Streep, très sobre, de Diane West et de Candice Bergen. Sans oublier les plus dynamiques (car plus jeunes ?) Gemma Chan et Lucas Hedges, excellents tous les deux.