Le titre anglais dissimulait moins les intentions de ce film que sa traduction française. Mais bon, il faut déjà s'estimer heureux que les distributeurs locaux aient tenté une traduction, je ne vais pas me plaindre. Ceci dit, qu'est-ce que ça discute, dans cette histoire ! On dirait un Woody Allen sur l'eau ! Et ça discute à l'américaine, c'est-à-dire que les "dialogues" sont parfois réduits à une suite d'onomatopées dont "wao" occupe la place prédominante. On peut entendre des tirades du genre : "Wao, I mean, wao, because wao..." et là, j'avoue que ça m'exaspère. Alors, évidemment, le personnage du jeune neveu est censé être un candide, soit, mais quand même. L'Amérique contemporaine est en train d'élever la précaution oratoire au rand de figure de style; il faut entendre les personnages tâtonner, s'excuser, revenir prudemment à la charge, tergiverser, tourner autour du pot, reculer subitement, le tout sur un ton melliflu destiné à ne pas heurter l'interlocuteur, juste avant de lui asséner brutalement une sentence infiniment désobligeante qui laisse l'impression qu'un artisan serait en train de broder un motif compliqué sur un mouchoir jetable dans lequel de toute façon quelqu'un va expulser de la morve... Franchement, ça rappelle les dialogues d'Anomalisa, qui m'avait déjà marquée par cette "délicatesse" de l'orateur qui progresse à tâtons mais finit par lâcher le morceau comme partout ailleurs dans le monde, voire avec une violence encore plus échevelée, parce que, quand même, nous sommes au pays des désirs inassouvis et que ça, ça ne plaide jamais pour la politesse... Bref, nous voilà avec trois anciennes copines et le neveu de l'une d'elle sur le Queen Mary 2, ce monument de luxe obscène célébrant une forme de vanité qui me remplit d'effroi. Dans ses coursives et ses salons déambulent des retraités avides de divertissement à tout prix, prêts à utiliser la discothèque, le planétarium, les jeux de société, etc. mis à leur disposition pour tromper le vide abyssal de leurs existences. La seule qui soit véritablement occupée, c'est l'écrivaine. C'est aussi la seule qui ait su remplir sa vie de choses un peu plus signifiantes que la rancœur, le fric ou la réussite professionnelle. Ce qui ne la met pas au-dessus des passions communes comme la jalousie, quand elle croise un écrivain à plus grande diffusion qu'elle. Mais au moins son histoire personnelle l'a-t-elle menée vers ce qui occupe heureusement la fin de ce film : la conscience du miracle de la littérature, ce medium surnaturel qui permet à deux êtres distincts de partager les mêmes pensées. La fin du récit n'est pas d'une clarté folle, mais j'ai cru y discerner l'apologie de la fiction et de la forme littéraire en particulier. Ça reste mon interprétation, car rien n'est aussi franchement tranché et on pourra en discuter si le cœur vous en dit. Reste un film un peu étrange, non dénué d'intérêt mais bizarrement bancal.