Après l'énorme succès du Corniaud, Gérard Oury et son équipe (à laquelle se joint sa fille Danielle Thompson) tente de reformer le tandem gagnant Bourvil / De Funès pour une nouvelle comédie encore plus folle. Tout est mis en oeuvre lors de la préparation et de la réalisation pour mettre en valeur l'extraordinaire complémentarité des 2 vedettes, dont l'une est le candide plein de tendresse, et l'autre le petit teigneux au culot outrancier. Le budget fut également triplé et sera d'ailleurs le plus élevé pour un film français à cette époque ; on choisit la période de l'Occupation, histoire de tourner en dérision ce sombre épisode, et en bon technicien amoureux du travail bien fait, Gérard Oury réalise ce qui reste un modèle de comédie burlesque, émaillée de scènes d'anthologie.
Le film sera le plus gros succès du cinéma français et sera vu par plus de 17 millions de spectateurs à sa sortie (record qui tiendra longtemps, dépassé seulement à ce jour par 3 films dont le premier fut Titanic), bref c'était du jamais vu à l'époque. Comment oublier en effet cette verve comique dont Oury a le secret ? comment expliquer ce succès ? Le film est inscrit dans la mémoire collective à tel point qu'on a tous enfoui en chacun de nous ce festival de scènes mémorables : la répétition à l'Opéra sur la Marche de la Damnation de Faust, l'échange des souliers, la scène avec les chiens, l'épisode des citrouilles, la scène aux Hospices de Beaune (tournée réellement dans la grande salle de l'Hôtel-Dieu en Bourgogne), celle de l'auberge, celle des bains turcs... il est difficile de faire un choix tant la perfection comique est présente dans cette gigantesque partie de cache-cache entre les soldats de la Wehrmacht et le tandem désopilant Augustin Bouvet / Stanislas Lefort incarné par nos 2 compères.
Et le pire, c'est que contrairement à d'autres comédies, on ne s'en lasse jamais ; champion des rediffusions télévisées, le film procure toujours autant de joie à chaque visionnage, on y redécouvre des trucs, on se marre toujours autant devant ces facéties savamment orchestrées, on y sent une qualité comique et un soin peu commun, sans vulgarité, qu'on ne voyait pas jusqu'ici et qui ne perdureront pas toujours dans les comédies qui suivront dans les années 70, c'est la patte Oury ! La recette est pourtant la même que celle vue dans le Corniaud, et pourtant il y a ce petit plus qui fait que ce film réjouit toujours le public, même au-dela des générations depuis plus de 50 ans après sa réalisation. Le tandem y est irrésistible, on le sait, s'y ajoute la verve comique de Terry-Thomas, cet acteur inénarrable avec sa bonne bouille d'Anglais, mais il y a aussi une écriture qui s'appuie sur un excellent scénario et des dialogues très vifs (dont certains devenus cultes), un sens du rythme et une invention gaguesque d'une grande force (souvent improvisée par Bourvil et De Funès). Un film qui rend vraiment heureux... rien à voir avec les comédies françaises balourdes qu'on voit aujourd'hui.