... when we see the paintings of Chauvet cave?"
Manifestement, j'en suis arrivé à un point où je peux me satisfaire de peu de la part de ce cher Werner. Je n'en suis pas encore à racler les fonds de tiroir à la recherche de son obscur court-métrage disparu, mais j'ai la sensation qu'il n'y aura plus d'émerveillement à la Leçons de ténèbres ou Le Pays du silence et de l'obscurité. Les années 2010 de la carrière de Herzog semblent contenir beaucoup de ces films documentaires où on le voit traîner son vieux corps et son accent inimitable sur différentes thématiques qui confortent bien l'idée que l'on peut avoir de ses lubies, et manifestement La Grotte des rêves perdus s'inscrit très bien dans cette dynamique-là.
Le sujet, c'est l'immense grotte Chauvet située en Ardèche, découverte dans les années 1990 après qu'un pan rocheux s'est effondré, ouvrant à cette occasion un accès pour la première fois en plusieurs dizaines de milliers d'années. Au fond de cette grotte, des centaines de peintures rupestres (ours mammouths, et lions étaient les espèces dominantes locales) réalisées il y a plus de 30 000 ans, et de nombreux restes de mammifères datant d'une époque où les hommes de Néandertal peuplaient le coin.
Et l'intérêt principal de Cave of Forgotten Dreams, c'est sans surprise la façon qu'a Herzog de nous faire accéder à ces lieux dans lesquels seulement de très rares personnes ont été autorisées à pénétrer. C'est donc une gourmandise à destination de ce qui apprécient le style et l'homme — pour les autres, ce ne sera qu'un défilé d'images de qualité assez médiocre (le personnel et le matériel étaient très limités, et la 3D n'était probablement pas une technologie très mature) sur fond de commentaires anglais avec un étrange accent germanique, sans prise sur son humour particulier. Qui d'autre que lui pour nous partager l'ampleur de la découverte, la beauté du voyage, la magie de ce qui se trame au fond de cette grotte à l'abri des regards... Un exemple : "In a forbidden recess of the cave, there's a footprint of an eight-year-old boy next to the footprint of a wolf. Did a hungry wolf stalk the boy? Or did they walk together as friends? Or were their tracks made thousands of years apart? We'll never know."
Davantage que les commentaires des différents scientifiques interviewés qui partagent quelques informations sur la symbolique des dessins ou la cartographie laser de la caverne, c'est la malice du cinéaste qui prend le dessus, à mes yeux. Son émerveillement, son emphase, ses élans métaphysiques, et ses divagations caractéristiques — la dernière scène avec les crocodiles baignant dans l'eau chaude de la centrale de Tricastin, hors-sujet magique, une pépite ("It is hard to determine whether these creatures are dividing into their own doppelgangers and do they really meet or is it just their own imagining mirror reflection? Are we today the crocodiles who look back into the abyss of time when we see the paintings of Chauvet cave?"). Sa façon de nous décrire comment l'oxygène de l'air pourrait altérer les peintures, de nous présenter un archéologue farfelu vêtu de peaux de bêtes avec sa flûte paléolithique (structurée en gamme pentatonique, interprétation de l'hymne américain Star-Spangled Banner à l'appui), de voir dans certains dessins représentant des animaux en mouvement avec beaucoup de pattes une forme de proto-cinéma, ou encore de demander une démonstration à ce documentaliste pour qu'il essaie en vain une sorte de lanceur de lance (censé permettre de tuer un cheval à 50 mètres)... Du petit lait.
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