Le cinéma des années 70 est énormément influencé par le contexte politique et social, notamment aux États-Unis, fraîchement retirée d’une guerre peu glorieuse. Pourtant, il n’est pas nécessaire de faire directement écho au présent pour convaincre l’audience, qui se tourne de plus en plus vers la science-fiction et les étoiles. George Lucas abordait déjà des thèmes qui cloisonnaient les humains dans un cocon dépourvu de sentiments et d’incompréhension du monde qui l’entoure, avec « THX 1138 » et « American Graffiti ». Il revient donc avec un récit à la fois épique et original dans la forme, car il se base sur des piliers mythologiques grecs pour ses personnages et plus modernes sur les traumatismes des occupations sous la Seconde Guerre mondiale pour son univers. Le tout est d’une cohérence bluffante, car il a su doter son œuvre, si singulière, d’effets spéciaux réussis et d’un traitement symbolique, accessible à une grande tranche d’âges et de génération.
Nous sommes inévitablement dans une lutte du bien contre le mal, peu de place aux nuances de ce côté-là, car l’aspect spirituel et religieux viendra plus tard. A la manière d’un conte ou autre fantaisie, le contexte est rapidement mis en place et l’action démarre avec des dialogues crus et percutants. On dévoile les enjeux et le drame dans la panique et cela fonctionne instantanément, car on prend le temps d’iconiser chaque entrée en matière des protagonistes, et des rôles d’arrière-plan, qui reflètent bien des souvenirs. Dans les décors, le design ou les choix de couleur, il existe tout un arsenal d’allégorie que l’on brosse au fur et à mesure que l’on dévoile l’intrigue, avec une souplesse dépaysante et bienvenue. Outre le duo comique de droïde répondant à C-3PO (Anthony Daniels) et R2-D2 (Kenny Baker), constituant les Laurel et Hardy intersidéraux, ce sera notamment aux côtés d’un jeune homme (Mark Hamill), ambitieux et destinés à croire en la foi ou encore la Force, qu’on trouvera nos repères. Sa quête initiatique le mène à l’émancipation de sa condition marginale et finit par épouser la liberté et la flamme qui le travaillent, jusqu’à ce qu’il réalise que les frontières qu’il scrutait à l’horizon sont bien plus vaste qu’il ne l’imaginait. Et la maturité le guide, notamment à travers l’archétype d’un mentor spirituel, Obi-Wan Kenobi (Alec Guinness), puis virent du soutien que l’on envoie à la sauce western, avec Han Solo (Harrison Ford) et Chewbacca (Peter Mayhew). Il ne manque plus qu’une princesse en détresse, Leia Organa (Carrie Fisher), qui se révèle plus forte et indépendante qu’il n’y parait, ce qui tranche avec la montée en puissance des femmes de l’époque, revendiquant la voix et l’écoute, tout en étant actrice de leur destin.
La famille d’aventurier étant réuni, les péripéties s’alimentent aux côtés de prouesses techniques et d’une sombre tension qui appelle Dark Vador (David Prowse), ambassadeur du mal et de ce faux-air de capitalisme ou encore de la doctrine totalitaire, qui impose ses contraintes et sa rigidité, à l’image des serviteurs blancs, purifiés de toute émotion et qui n’ont pas de conscience propre, malgré les apparences humaines. Et pour mieux symboliser l’esprit du mal, Grand Moff Tarkin (Peter Cushing) évolue de manière à inspirer la terreur, comme une maladie qui attend le remède, porté par nos héros. Un masque suffit pour cacher la vérité et le travail de l’abstrait se révèle être un facteur essentiel dans la compréhension de cette œuvre, riche dans le fond comme dans la forme. Et grâce aux mimiques des comédiens, le film s’emparent de cette diversité de genres qui se marient bien ensemble. Les transitions sont également efficaces, à l’image de vignettes que l’on installe au fil des chapitres. Il est donc aisé de s’identifier, car entre l’Empire et la Rébellion, nous voyons bien de quel côté observer afin de contourner la déshumanisation, fléau qui démantèle les droits de paix et de liberté.
Ainsi, « Star Wars : Un Nouvel Espoir » (La Guerre des Étoiles) emprunte au célèbre livre de Joseph Campbell et au cinéaste japonais Akira Kurozawa, tout en sachant se démarquer dans le traitement de l’univers semi-politisé qui l’entoure. Ce film s’illustre avant tout comme une chasse au dragon avec un trésor à la clé, mais propose également de la légèreté sur les temps forts de notre civilisation qui continue de grandir et de repousser les limites. Le cinéma a pu offrir tant de perspective et ce nouvel exemple de Space Opera nous rapproche les uns des autres par bien des aspects. Et que vaut cette note de louage, si l’on n’évoque pas la partition épique et inspirée de John Williams, qui transmet inlassablement de la Force et de l’émotion tout au long d’une intrigue qui va à crescendo. Il y aurait plus d’une raison d’apprécier cet œuvre précurseur dans son genre et qui porte un regard, quelque part entre les souvenirs de notre monde et nos utopies les plus lointaines… très lointaines !