Ce film est l'un des rares que je préfère voir en V.F. plutôt qu'en V.O. C'est dire à quel point Star Wars Épisode IV : Un nouvel espoir - long titre officiel d'un film que les gens de ma génération ont toujours appelé simplement La Guerre des Étoiles - pince violemment la corde de la nostalgie, directement reliée à l'enfance et, en ce qui me concerne, à toute la pop culture des années 80 dans laquelle j'ai baigné et grandi.


Pour vous avouer à quel point ça pince fort, et comprendre dans quoi vous vous aventurez en lisant cette chronique, je ne tolère par ailleurs de regarder ce film, et les deux suivants, que dans leur version d'origine, totalement dénuée des hideux ajouts numériques dont George Lucas a cru bon d'affubler son œuvre, compensant son insatisfaction éternelle par une débauche de technologie moderne tuant la poésie au profit de l'épate visuelle.


Voilà, j'espère avoir été clair : vous êtes ici chez un indécrottable défenseur du Star Wars des origines. Un frustré de la prélogie, qui aurait adoré que Lucas raconte l'histoire des origines de Darth Vader sans oublier d'où il venait, sans renier les origines de sa propre saga, en noyant les épisodes I à III sous un épais maquillage numérique au lieu de s'appliquer à l'écriture du scénario.
Un agacé de la troisième trilogie aussi, énervé que la conclusion des péripéties de la tribu Skywalker ait été si mal conçue, alors qu'il y avait, là encore, matière à une formidable histoire.


Pour autant, cet épisode IV, revenons-y, est-il intouchable ? Non. La preuve, je ne lui mets "que" 8.
Si George Lucas parvient à assurer une mise en scène plus cohérente et un rythme plus maîtrisé que sur la prélogie, sa réalisation souffre parfois de quelques faiblesses, notamment dans les scènes de suspense ou d'action, dans lesquels il abuse des plans démultipliés par des changements d'angle (un art dans lequel il n'arrive jamais à la cheville de son copain Steven), quand les chorégraphies des combats sont plus du niveau district que coupe du monde.
Je pense en particulier à l'affrontement entre Obi-Wan et Darth Vader, assez poussif (en raison, sans doute, du manque de souplesse du vénérable Sir Alec Guiness). Revoir ce combat après les voltes invraisemblables des épisodes de la prélogie (ah, le duel entre Yoda et Darth Sidious dans le III, quelle barre de rire...) est presque choquant.


Les effets spéciaux sont évidemment limités, beaucoup plus spectaculaires que ceux des films suivants. Rien de plus normal, puisque Lucas et son équipe ont dû essuyer les plâtres techniques et inventer de nouvelles solutions pour nombre de plans, jamais vus à ce niveau de "réalisme" sur grand écran auparavant.
Peut-être paraissent-ils amusants - pour ne pas dire ridicules - aux jeunes spectateurs d'aujourd'hui, biberonnés à l'environnement tout numérique, et pour qui les films sortis avant les années 2000 sont des dinosaures visuels. C'est légitime.
Pour celles et ceux qui, comme moi, ont grandi avec cette imagerie-là, rien de choquant, bien entendu. Au contraire, que de poésie, et que de justesse !


Il faut dire qu'à l'époque, George Lucas partait avant tout avec une histoire à raconter. C'est en tout cas l'impression que cela donne, à la différence de la prélogie où il laisse penser qu'il voulait d'abord exprimer son imaginaire visuel en lui soumettant son récit.
Lucas a donc commencé par raconter son histoire, et a inventé au fur et à mesure les moyens visuels pour la rendre aussi belle et convaincante que possible. Le résultat s'en ressent : on se passionne en premier lieu pour une intrigue dont les éléments sont limpides, un peu manichéens sans doute, mais justes et précis.


Portée par des comédiens peu connus ou inconnus, à l'exception d'Alec Guiness (et, là encore, à l'inverse de la prélogie où les têtes d'affiche, aussi brillantes soient-elles, ne parviennent pas à faire oublier la faible caractérisation de leurs personnages), l'interprétation fait preuve d'une cohésion remarquable dès les premières minutes de film.
David Prowse paraît parfois un peu emprunté dans son encombrant costume de Darth Vader. Mark Hamill, un peu fragile, pas toujours parfaitement juste dans ses intonations, notamment au début ; il semble élever son niveau de jeu lorsqu'il se confronte à la vivacité d'un Harrison Ford iconique en Han Solo, ou à l'énergie féministe de Carrie Fisher, tellement crédible en princesse combative.
De même, les créatures et droïdes semblent parfois un peu figés, en particulier R2-D2 dont les déplacements sont souvent fastidieux. Mais son langage de bips et de roucoulements électroniques, incroyablement expressif, compense largement ces limites, tout comme l'interprétation génialement horripilante d'Anthony Daniels en C3-PO.


Film fondateur, La Guerre des étoiles fait plus que poser les bases du récit. C'est un long métrage solide, compact, qui introduit les enjeux et les figures de la saga d'une manière parfaitement claire, presque évidente. Des qualités dont George Lucas a bizarrement oublié de pourvoir sa prélogie, confuse et hachée, alors même qu'elle était censée exposer les racines de son histoire.


Et, bien entendu, ce n'est que le début. Le meilleur reste à venir.

ElliottSyndrome
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le 23 déc. 2020

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ElliottSyndrome

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